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Football : Est-on trop dans la culture de l’instant pour Warren Zaïre-Emery ?

FOOTBALL – Didier Deschamps a annoncé le nom de Warren Zaïre-Emery dans sa liste pour affronter Gibraltar et la Grèce. Est-ce logique d’appeler un joueur de 17 ans pétri de talent ? Ou cède-t-on à la culture de l’instant ? Cela traduit surtout une transformation du haut niveau.
Warren Zaïre-Emery : Trois mois excellents avec le PSG
Tout d’abord, il faut souligner le début de saison absolument énorme de Warren Zaïre-Emery. Il n’est pas appelé totalement par hasard en équipe de France. Même si la blessure d’Aurélien Tchouaméni a sans doute précipité les choses. Depuis l’arrivée de Luis Enrique, à la tête du PSG, le jeune Français de 17 ans s’est imposé comme un taulier dans le milieu de terrain parisien. La saison passée, il jouait surtout des bouts de matchs et n’était pas forcément utilisé de façon optimale par Christophe Galtier. Cette année, il a été titulaire sur les quatre premiers matchs de Ligue des Champions, livrant des prestations souvent très solides. Il en est déjà à trois passes décisives, créant énormément de situations pour son équipe. Et tournant à deux passes clés par match.
Il a également disputé dix des onze premiers matchs de Ligue 1. Avec deux buts et deux passes décisives. Mais, Zaïre-Emery, c’est surtout un gros volume de jeu. Ce qui est intéressant, c’est qu’il semble savoir élever son niveau de jeu dans les grands matchs. Ses statistiques sont encore plus solides en Ligue des Champions, comme en équipe de France Espoirs. C’est sans doute une donnée qui a tapé dans l’œil du sélectionneur Didier Deschamps. Il est clair que Warren Zaïre-Emery est en train de franchir les étapes à vitesse grand V. Et donne parfois l’impression de jouer depuis plusieurs saisons à très haut niveau. Il va ainsi battre le record de précocité d’Eduardo Camavinga.

La précocité devient la norme au haut niveau
Pendant longtemps, la norme a été l’apprentissage dans le football de haut niveau. Faire d’abord une bonne saison en Première Division, puis une bonne saison en Coupe d’Europe, avant de penser aux Bleus, pouvait-on fréquemment entendre à l’époque. Les deux joueurs les plus iconiques du ballon rond français sont passés par la case apprentissage. L’emblématique Michel Platini a débuté en Première Division en 1972, avant de s’y installer en 1973, avec l’AS Nancy Lorraine. Mais le magicien des coups francs a dû attendre 1976 et ses 21 ans, pour honorer sa première sélection en bleu. Il deviendra réellement un incontournable à l’aube de la Coupe du monde 1978.
Didier Deschamps fait confiance tout de suite
Et que dire de Zinedine Zidane. ZZ a fait ses débuts en Première Division en 1989, avec l’AS Cannes. Et s’installe réellement dans l’élite en 1991. Il ne connaîtra sa première sélection en bleu qu’en 1994 à 22 ans, avec le doublé qu’on connaît, contre la République Tchèque. Mais il ne deviendra essentiel aux Bleus, que lors de la saison suivante, où les Girondins de Bordeaux se sont hissés en finale de la Coupe de l’UEFA. Il deviendra emblématique en 1998, pour un nouveau doublé, en finale de la Coupe du monde.

Mais ce temps est révolu. L’exemple de Kylian Mbappé est assez parlant. Le Français est arrivé en bleu en 2017 et est rapidement devenu incontournable en sélection. Au point d’être, déjà, le 4ᵉ meilleur buteur des Bleus. Il va fêter ses 25 ans à la fin de l’année et il compte déjà 76 sélections. Il en comptait déjà 50 avant même ses 23 ans. On peut également citer Paul Pogba, arrivé de façon fracassante en bleu pour devenir tout de suite indiscutable.
Ou même N’Golo Kanté, certes révélé sur le tard, mais pour qui Didier Deschamps n’a pas attendu deux ans, avant de l’appeler en bleu. Son impact lors de l’Euro 2016 a été considérable. On peut aussi évoquer Eduardo Camavinga. Le point commun entre ces quatre joueurs ? C’est Didier Deschamps qui leur a donné leur première sélection. Le sélectionneur n’hésite pas à rapidement lancer en bleu quelqu’un qu’il estime capable de porter le maillot frappé du coq.
Pas qu’en football
Mais cette précocité ne se limite pas au football. Elle devient la norme dans de plus en plus de sports. Y compris (et surtout) en cyclisme. Le sport réputé pour être un sport à maturité tardive. Un sport où des jeunes encore espoirs lors de leur éclosion, dominent considérablement, notamment dans les courses à étapes. Tadej Pogacar a remporté le Tour de France à même pas 22 ans, devenant le plus jeune vainqueur du Tour après-guerre. Succédant à Egan Bernal, qui a remporté le Tour à moins de 23 ans, en 2019. Depuis, le Slovène a remporté cinq monuments et deux Tour de France, avant ses 25 ans. Pendant ce temps-là, Remco Evenepoel a remporté deux Liège-Bastogne-Liège, deux championnats du monde (course en ligne et chrono) et une Vuelta avant ses 23 ans. Il faut remonter à Eddy Merckx pour trouver trace d’une telle précocité.
En rugby, on pense à la génération Romain Ntamack, qui est rapidement arrivée en équipe de France. L’ouvreur français a honoré sa première sélection en bleu avant même ses 20 ans. On pense aussi à Demba Bamba, arrivé très tôt en équipe de France, alors qu’il évoluait en Pro D2. Au final, Warren Zaïre-Emery, même si sa précocité reste remarquable, est surtout une illustration de ce changement de tendance. Avec ces jeunes qui n’ont plus peur de sauter – pas griller – les étapes vers le plus haut niveau. Disons qu’il l’a fait un peu plus rapidement que certains.