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Edito

L’arrivée du Tour de France 2021 expliquée aux foules sentimentales

Jordane Mougenot-Pelletier

Publié le

L'arrivée du Tour de France 2021 expliquée aux foules sentimentales
Photo Icon Sport

EDITO – Voilà, c’est fini. Le Tour de France 2021 a relié Brest à Paris, les vainqueurs sont désignés, les perdants résignés. Et ensuite ? Après la caravane, les sprints massifs et les montées infernales, que reste-t-il ? Quand tout est dit, quand la poussière retombe, l’homme de goût écoute les Alain. Bashung et Souchon.

Les Alain(s) du Tour de France 2021

Sans doute représentent-ils une ligne de fracture dans la chanson française. Pour l’un, le sens précède le son, pour l’autre, le son précède le sens. A l’un, la musique anglaise des années 1960, à l’autre la country-folk américaine intemporelle. L’un et l’autre, les Alains disent quelque chose de la chanson française qui s’est faite des années 1970 à nos jours. Du moins celle qui se veut exigeante, qui ne veut pas faire avaler des couleuvres qui passeraient à la machine. Avec leurs airs de ne pas y toucher, Souchon et Bashung disent la société française. Et comme le Tour de France, c’est aussi le Tour de la France, essayons d’analyser le Tour de France 2021 à l’aune de leurs chansons.

On avance

« Faut pas qu’on réfléchisse ni qu’on pense / Faut qu’on avance » chante Alain S., et comment ne pas y songer à la fin de ce Tour de France 2021. Combien sont-ils dans le peloton à avancer sans réfléchir, sans vouloir penser à ce qui se trame autour d’eux. L’essor d’un cyclisme moderne, un cyclisme des années 2020 renvoyé sans cesse à celui des années 2000. Ces maudites années 2000 qu’une montée canon de Luz Ardiden par Tadej Pogacar n’a pas manqué de rappeler. Combien donc dans le peloton sont-ils à ne pas vouloir songer au rythme infernal, dantesque, et toute sorte d’autres adjectifs qui ont tous trait aux enfers et à la surhumanité ?

Peut-être moins qu’on le croit finalement. Un article du Temps a révélé que des coureurs du Tour de France 2021 avaient décidé de mener leur propre enquête. Après que la gendarmerie avait perquisitionné l’hôtel de la Bahrain-Victorious, on apprenait donc que des coureurs s’interrogeaient sur le bruit de certaines bicyclettes et le contenu de bouteilles mystérieuses. Pour les premiers, on soupçonne un moteur nouvelle génération à récupération d’énergie ; pour les seconds on se demande pourquoi une équipe entière se cache pour se nourrir.

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L’arrivée du Tour

« Ce n’est qu’un arrosoir / Un tomahawk sur l’armoire » semble chanter Alain Bashung comme un homme pris sur le fait par sa femme trompée. La même mauvaise foi dénégatrice qui semble présider aux comportements des instances internationales du cyclisme, des organisateurs du Tour de France 2021, des managers et directeurs sportifs des équipes du peloton et des coureurs. Une inertie, une politique de l’autruche et surtout une trouille qui peut faire avaler n’importe couleuvre. Ces mauvaises passions qui mènent finalement à ce qu’un coureur puisse s’imposer dans la double montée du Ventoux, dans un chrono tout plat ou dans le sprint des Champs-Elysées, sans que cela n’émeuve sérieusement.

Cette mauvaise foi qui aveugle tant qu’on trouve normal que des coureurs finissent avec le sourire et sans une goutte de sueur les cols parmi les plus difficiles de France. Celle aussi qui « nous prend faut pas déconner / dès qu’on est né / pour des cons […] » et nous vend des comebacks étincelants comme des paquets de lessive. La mauvaise foi quasi sartrienne enfin qui absoudrait Émile Louis et lui confierait un autocar de scouts. A ce titre, la présence dans les cars de la Team UAE de Mauro Gianetti et Joxean Fernandez Matxin ne peut que sembler criminelle.

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Foule(s) sentimentale(s) du Tour de France 2021

« Foule sentimentale / On a soif d’idéal / Attirés par les étoiles, les voiles / Que des choses pas commerciales ». Et si c’était cela qu’il y a à retenir du Tour de France 2021 ? La ferveur intacte, l’allégresse généralisée au bord des routes et devant les télévisions. 42 millions de Français ont regardé la plus grande course du monde en clair et en intégralité. Aux côtés des coureurs, la même fraicheur, la même bonhommie et une presque insouciance retrouvée. C’est que le Tour de France n’a pas perdu de sa force d’attraction. Il demeure toujours le plus grand spectacle de plein air gratuit et accessible à tous.

Quand il traverse des pays aussi viscéralement attachés au cyclisme et son histoire, le Tour fait le plein. Ainsi en Bretagne, s’est-il offert à peu de frais un bain de foule. La montagne aussi a permis de redécouvrir des images d’une liesse populaire que le Tour 2020 avait perdu en partie.

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Regrettera-t-on dans quelques années d’avoir participé à cet engouement ? Fera-t-on des mines dégoûtées à la revoyure de ce spectacle comme celles que l’on fait devant des vidéos de Lance Armstrong ou Riccardo Ricco ? Réponses dans le futur.

Journaliste/rédacteur depuis mai 2018 - Dans mon sang coule à la fois le feu des penne à l'arrabiata et la glace du Grand Colombier. Amoureux des belles lettres et des Talking Heads, je supporte un club olympique. Intéressé par les relations qu'entretient le sport avec la société, je m'intéresse autant à Marc Cécillon qu'à Pep Guardiola, à Tonya Harding qu'à Philipp Roth. Enfant des 90's, on ne me fera pas croire qu'il y a eu plus beau à voir depuis Zinédine Zidane, Marco Pantani et Pete Sampras. La béchamel est une invention du diable, la Super Ligue aussi.

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