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Championnats du monde d'athlétisme 2023

Mondiaux d’athlétisme : La France a évité le zéro pointé, mais l’avenir est en question

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CHAMPIONNATS DU MONDE D’ATHLÉTISME 2023 – Ces Mondiaux se sont bien terminés pour les Bleus avec le record de France d’Alice Finot et la médaille d’argent du relais 4×400 m masculin. Mais la France est passée à 2 minutes et 59 secondes du 0 médaille. Alors forcément, un an avant les Jeux Olympiques, la situation inquiète.

1983 et 1993. 2023 a failli être la 3e fois que la France rentre des Mondiaux sans médaille. Certes, les totaux français ne sont jamais importants comme pour des nations comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Jamaïque… mais il y a eu en moyenne 3 médailles sur les 18 éditions passées. Avec un pic extraordinaire à domicile il y a 20 ans (8 médailles dont 3 titres). Total égalé lors de l’édition suivante et plus jamais atteint. L’année dernière, Kevin Mayer avait remporté l’or. L’arbre qui cache la forêt. Et cette année cet arbre est le relais 4×400 m.

« Je ne peux pas assumer l’attente de tout le monde »

Comme l’a souligné le principal intéressé, quand Kevin Mayer participe à une compétition, il est gravé dans l’esprit des Français qu’il est presque assuré de remporter une médaille. Cette année encore, il faisait partie des projections de médaille. Seulement, son corps a dit non. Et interrogé sur l’impact du spectre de finir sans médaille pour la France a eu dans sa décision, il a été clair :

À un moment donné, je ne peux pas assumer l’attente de tout le monde. La mienne est beaucoup trop forte déjà. Je peux pas assumer d’être le seul à faire des médailles pour l’équipe de France.

[…] Je me soucie énormément des émotions des autres et ça me fait beaucoup de mal. Mais je dois faire la part des choses en disant que je ne dois pas m’en soucier. Je fais ce sport pour moi avant tout et si je commence à le faire pour les autres, je ne suis plus en accord avec moi-même.

Comme lors du point presse quelques jours auparavant, à l’issue de la finale du relais, David Sombé a insisté sur l’absence de pression de remporter absolument une médaille. Même si bien évidemment, c’était l’objectif.



On était là pour faire le taf. Il n’y a pas de « sauver l’honneur ». Personne n’a déshonoré le maillot, il n’y a pas eu de geste anti-sportif, il n’y a pas eu de dopage. Tout le monde a été propre, tout le monde s’est donné. À partir de là il n’y a pas d’honneur à sauver ou quoi que ce soit.

Pourtant, le constat était là : pas de médaille avant la dernière journée, beaucoup d’athlètes attendus qui ne sont pas passés en finale. Et pour ceux qui y étaient, il fallait un exploit pour espérer accrocher une médaille. Sur les 78 athlètes engagés, seuls 8 ont atteint une finale (les relais comptant pour une équipe). Alors forcément, pour Romain Barras, le directeur de la haute performance, le bilan était amer avant la dernière soirée de compétition.



Bilan décevant, il ne faut pas se voiler la face même s’il y a quelques lueurs d’espoir. Tout n’est pas à jeter, il y a des choses qui sont positives : cette jeune génération qui commence à taper à la porte. J’ai toujours peur d’oublier des gens mais on pense au marathon ce matin avec Hassan, on pense à Thibaut Collet hier, Yanis Meziane. Ces athlètes-là ont eu des résultats à la hauteur de leurs engagements. Il y a même des athlètes qui n’ont pas forcément récolté les fruits de leur engagement. Je pense aux autres coureurs de 800 m et aux coureurs du 400 m haies qui ont été au combat et ont été chercher une performance. Et à un moment c’est peut-être ce petit détail qui aux championnats du monde, fait que ça ne passe pas. Ce petit détail ce n’est pas la même chose que quand on arrive sur un championnat et qu’on est un peu inhibé par la grandeur de l’événement ou le niveau qu’il peut y avoir dans le stade.

C’est peut-être ça ma plus grande déception : 2/3 des athlètes de la sélection n’ont pas réussi à élever leur rang mondial par rapport à celui avec lequel ils sont arrivés. C’est quelque chose à quoi je porte beaucoup d’attention. Tout le monde ne peut pas être médaillé, tout le monde ne peut pas être finaliste. Mais tout le monde se doit avec le maillot bleu d’être à son meilleur niveau le jour J. Et ça n’a pas été le cas. Et c’est ça ma plus grosse déception.

Interrogé sur la sélection restreinte d’Eugene qui aurait pu permettre à certains jeunes d’acquérir de l’expérience, il a botté en touche.

On ne va pas remettre en cause les modalités de sélection. On vient aux championnats du monde quand on a les armes pour pouvoir se battre avec les athlètes de meilleur niveau mondial. On voit aujourd’hui que dans ces situations de très grand stress, de très grande confrontation, il y a des athlètes qui arrivent à se surpasser, à se transcender, parce qu’ils vont au combat, ils arrivent à avoir ces dents longues, ces dents qui poussent. Et puis d’autres qui sont un peu plus inhibés et qui ont du mal à croire en eux, parce qu’effectivement, la marche est haute. L’année dernière on a été assez exigeants par contre on avait les championnats d’Europe de Munich. Tous les athlètes qui sont ici ont déjà connu le niveau européen et là ils sont passés à une marche supérieure qui est le niveau mondial. Et force est de constater que la marche est encore un peu haute pour la génération qui est arrivée sur cette sélection.

L’explication, je pense que ça demande un peu plus qu’un debrief à chaud, ça demande un peu de temps de travail avec tous les athlètes, les coachs, avec les responsables de spécialités, avec l’ensemble des départements de la fédération. Pour trouver, au-delà des explications, des bribes de solution et des axes prioritaires à mettre en place pour Paris 2024 et la suite.

Convocation au Ministère des Sports

Cette faible moisson dans le sport olympique n°1 a de quoi inquiéter à un an des Jeux à domicile. Ainsi, ce mardi, André Giraud (président de la FFA), Patrick Ranvier (DTN) et Romain Barras (directeur de la haute performance) ont été « conviés » par la Ministre Amélie Oudéa-Castéra au Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques. Claude Onesta, manager de la haute performance à l’Agence Nationale du Sport sera également de la partie. Si cette « invitation » l’a surpris, il n’en attend pas moins une issue productive.

Ce que j’en attends, c’est d’abord d’avoir un seul et même front. L’athlétisme est dans une situation délicate. Il y a beaucoup de critiques aussi qui commencent à s’agréger autour de la place du sport dans la société. Seulement cette place du sport dans la société on ne va pas la changer maintenant. Même si on prenait des décisions drastiques aujourd’hui, les effets on les aura dans 10-15 ans, pas avant. Donc ça ne changera rien pour Paris 2024. Par contre, qu’on fasse front ensemble, qu’ils puissent nous donner des axes de travail qu’eux veulent voir apparaitre. En tout cas de travailler ensemble vers des solutions.

Je pense que l’athlétisme étant le sport olympique n°1, on ne peut pas se permettre un tel résultat l’année prochaine. Il va falloir qu’on continue dans les actions qu’on mène. Parce qu’il ne faut pas l’oublier : on mène beaucoup d’action dans l’accompagnement des sportifs, tout ce qu’on met dans l’accompagnement de la performance. Ça il faut le consolider, il faut continuer à affirmer notre action là-dedans.

Pas d’illusions pour Paris 2024

L’ancien décathlonien ne se fait pas d’illusions et invite à ne pas « fantasmer sur le nombre de médailles ». 6-8 médailles, on oublie, car aucun athlète dans le top 3 mondial sur le papier. Si ses statistiques lui ont démontré que la Hongrie est le pays dont les athlètes ont tous gagné des places par rapport au rang initial au début de la compétition, il ne compte pas (que) sur cet « home advantage » pour ramener des médailles.

L’accompagnement des athlètes, l’éternel questionnement

Que ce soit pour Paris 2024 ou l’avenir, cela reste un point sensible. De manière générale, bon nombre de sportifs français ne vivent pas de leur sport ou ne peuvent le pratiquer de manière sereine. Et c’est également vrai dans l’athlétisme. Si certains arrivent très bien à s’en sortir, plus on descend au classement, et plus il peut être compliqué de s’en sortir, selon les disciplines. La FFA a mis en place des dispositifs accessibles aux athlètes selon certaines règles et critères spécifiques. Mais c’est un peu un casse-tête sans fin puisque pour y avoir accès, il faut avoir un certain niveau de performance. Qui ne peut être atteint quand on ne peut s’entraîner correctement. Le sujet a été soulevé avec Romain Barras, en prenant l’exemple des marathoniens.

Jusqu’à maintenant, les marathoniens ont un niveau de performance qui dans le bilan mondial, est très très loin. Si on commence à aider le 60e décathlonien mondial, on doit aider 40 coureurs de 1500 m, 30 perchistes… et malheureusement on a un souci de réalité. Les finances ne sont pas extensibles, on n’a pas de crédit illimité. On identifie et on priorise. Aujourd’hui les marathoniens, que ça soit Mehdi ou Hassan, ils vont rentrer dans des suivis et des aides qui sont beaucoup plus importants. Parce qu’ils rentrent dans nos critères. Pas parce qu’on les aime bien ou qu’ils sont valeureux.

Par rapport à il y a 10 ans, nos 30-40 meilleurs athlètes ont des aides à la préparation 2 à 3 fois plus importantes. Il y a 3,5 millions d’euros d’aide directe aux athlètes entre les stages, l’athlétisme professionnel, les contrats de performance individuels, les aides au coach. 3.5 millions d’euros sur un budget total de la DTN qui est de 7 millions environ c’est conséquent. On peut faire mieux, mais on essaie de faire au mieux avec ce qu’on a.

L’athlète qui est 30e à un an des jeux, l’entonnoir va forcément se resserrer. A mon avis, l’essence du message va être de prioriser les cibles et d’aller vers les hauts potentiels. C’est mon sentiment. Je pense qu’ils vont l’intensifier.

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Journaliste/rédactrice depuis septembre 2015 - Supportrice de Chelsea, j'ai pour sports de prédilection le handball, l'athlétisme et le tennis. Si je tweete plus vite que mon ombre, vous pouvez aussi me retrouver les week-ends sur les playgrounds de Bruxelles pour un petit foot ou basket entre potes. Parcourir la France, l'Europe et plus si affinités pour suivre mes sportifs préférés ? Mon kif ! Et c'est avec plaisir que je partage les résultats des sports populaires mais également plus confidentiels pour Dicodusport.

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