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Sports aquatiques

Colas Zugmeyer : « C’est mon rêve d’aller aux Jeux Mondiaux »

Sébastien Gente

Publié le

Colas Zugmeyer C'est mon rêve d'aller aux Jeux Mondiaux
Photo Unlimited Prod / Ffessm

NAGE AVEC PALMES – À l’approche de la manche de Coupe du monde à Aix-en-Provence, Colas Zugmeyer, l’un des plus éminents spécialistes français de la discipline, nous raconte sa carrière, l’objectif des Jeux Mondiaux, et la difficulté d’exister dans un sport confidentiel. 

Bonjour Colas, comment est la forme avant cette manche de Coupe du monde à domicile ?

Pour moi, c’est en quelque sorte un début de saison, vu que je me suis fait opérer et que j’ai mis du temps à m’en remettre.

Cette manche de Coupe du monde a lieu dans ton club, dans une piscine que tu connais. Ça existe dans ta discipline, l’avantage du terrain ?

Pour moi, c’est le cas (rires). Les compétitions à domicile sont toujours de bonnes compétitions, et je sais que pour d’autres nageurs, cela permet d’exceller que d’être dans sa piscine, devant son public. L’an dernier, ça a très bien marché pour moi, j’espère que ce sera le cas cette année.

Quels sont du coup tes objectifs pour ce weekend ?

J’ai envie de garder mon titre, car l’année dernière, j’avais remporté cette étape au global. Mais ça va être compliqué, je ne suis pas dans la même forme que l’année dernière. On n’a pas d’objectifs chiffrés, on veut simplement revenir à un niveau « pas trop mal » par rapport à l’année dernière. Je pense que je ne serai pas aussi bon que l’année dernière, mais on peut s’en rapprocher.

Comment expliquer que la France fasse partie des nations importantes en nage avec palmes ?

Il existe des clubs qui, avec une nouvelle politique de recrutement, ont pu attirer de nouveaux nageurs. La France se développe beaucoup en bipalmes, et des clubs comme La Ciotat, Antibes, ou Gravenchon qui cherchent à recruter des nageurs « classiques » dans les clubs autour. Les nageurs se différencient, car ils ne viennent pas du même environnement. Avoir un bon niveau en natation, cela permet d’avoir un niveau assez bon en nage avec palmes, mais cela ne permet pas d’exceller. Ce n’est pas le même sport.

Mais les nageurs classiques qui décident de faire une transition et de se mettre à 100% à la nage avec palmes, cela marche plutôt bien. Je pense notamment à Kévin Lasserre, qui est sauveteur, mais qui a également le niveau N1 en natation (niveau national, NDLR), et qui arrive à cumuler trois sports et à aller chercher les avantages de chaque sport. Mais la France a toujours été un bon pays en nage avec palmes, parce qu’elle a une bonne politique sportive qui peut néanmoins être améliorée.



Unlimited Prod / Ffessm

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L’évènement pour cette discipline, ce sont les Jeux Mondiaux qui auront lieu cet été (du 7 au 17 août en Chine, NDLR)…

Depuis que j’ai commencé la nage avec palmes, c’est mon rêve d’aller aux Jeux Mondiaux. En 2022, je n’ai pas pu y aller, ma sélection s’est jouée à pas grand-chose, à quelques dixièmes. Cette fois, je voulais me qualifier sur l’épreuve reine, le 100 mètres. Ça se passait bien jusqu’aux Mondiaux, où on a eu des épreuves avec une densité jamais vue sur une sélection. Du coup, je n’ai pas pu me qualifier, mais grâce aux performances du relais français, on a pu avoir un quota supplémentaire. Jusque-là, je suis dans la présélection pour y aller, et si je ne fais pas de contre-performance, je devrais y aller. Donc normalement, en août, j’y serai !



Quelle sera la délégation française pour cet évènement ?

On a une nageuse qualifiée en individuel, Maïwenn Hamon, du Pays d’Aix Natation, qui sera sur 50 mètres en apnée. Quatre hommes sont donc sélectionnés, Vincent Prudhomme de Rennes, Gabryel Allain de Gravenchon, et moi. Il nous manque un dernier relayeur, qui sera choisi après cette manche de Coupe du monde. On partira sûrement avec un ou deux entraîneurs, un kiné et le staff fédéral.

Pour beaucoup d’athlètes, les Jeux Mondiaux sont un énorme accomplissement…

Les nageurs que je connais et qui ont déjà participé à cette compétition disent que c’est impressionnant. Il y a un défilé comme aux Jeux Olympiques, dans un stade plein, avec des spectacles, des animations, un village olympique. C’est une compétition qui est d’ampleur olympique, mais qui n’est pas aussi médiatisée. Là, ils vont avoir lieu à Chengdu, une ville de plusieurs millions d’habitants. Je pense que des stades de 30.000 personnes seront facilement remplis. Mais tous les athlètes que je connais qui ont fait la dernière édition aux USA m’ont rapporté que c’était impressionnant, que la cérémonie d’ouverture était superbe. Cependant, comme c’est une compétition d’ampleur, mais sans le même budget que les JO, parfois, la logistique est compliquée. Par exemple, en 2022, la délégation française avait dû arriver tard sur la compétition, et le bassin n’était pas forcément super. Mais ça n’a pas empêché des Français d’autres sports de performer, comme Kévin Lasserre, vice-champion en sauvetage par exemple.

Comment déterminer qui va en monopalme et qui va en bipalmes ?

Personnellement, je suis spécialiste du monopalme, sur 100 et 200. Mais je suis aussi coach chez les jeunes, et j’ai fait le parcours classique dès que j’ai commencé la nage avec palmes. Quand on commence, on fait forcément les deux, monopalme + bipalmes. Et chez les jeunes, les Championnats de France sont sous la forme d’un Critérium, avec cinq épreuves entre monopalme, bipalmes et immersion. Cela permet en partie de savoir qui peut nager quoi plus tard, mais pas de décider sur le champ. Cela vient après en fonction de certains avantages physiques, la souplesse, la force dans les bras, la stabilité. Pour les nageurs classiques qui démarquent sur le tard, les papillonneurs et les brasseurs ont plus de facilité sur le monopalme. Quant aux dossistes et aux crawleurs, ça dépend, mais c’est tout de même plus facile pour eux de basculer en bipalmes.

Donc, tu as franchi ces étapes-là durant ta carrière…

J’ai commencé le circuit national à 12 ans, par les Critériums. J’ai continué toutes les étapes jusqu’à rentrer au Pôle France en 2018, pour ma première année séniors. Mais avant ça, j’ai fait tout le circuit normal. Mais avec le Covid, tout le fonctionnement s’est quelque peu « cassé la gueule », et les nageurs actuels ne sont pas tous passés par là. C’est quelque chose dont le fonctionnement devra être surveillé.

Je suppose qu’on ne vit pas de la nage avec palmes…

Pas vraiment. Personnellement, j’ai signé un Contrat d’Insertion Professionnelle, que la fédération a réussi à proposer à quelques-uns. Cela permet d’avoir un contrat dans une association ou une entreprise, avec des heures d’entraînement prévues dans le lot. On peut aussi poser des jours qui sont subventionnés pour pouvoir s’entraîner. On ne roule pas sur l’or quoi qu’il arrive, mais cela permet de vivre simplement et de pouvoir s’entraîner, faire des compétitions, sans trop de contraintes de pertes d’argent.

Du coup, les débats sur la baisse du budget des sports en France, cela doit te faire sourire…

Dans des sports comme le mien, il n’y a déjà pas de budget, alors le baisser encore… Je ne vois pas ce qu’on a à perdre, on n’avait déjà rien. J’ai été aux JO, je les ai vécus en tant que spectateur. Quand les gens sont amenés à voir du sport, que c’est bien tourné, ils ont envie d’en voir. Nous, on n’a pas d’argent, et on ne peut pas se développer si on n’est pas aidés. Réduire les aides aux sportifs, aux associations, ça n’aide pas le sport, et ça fait que la France n’est pas un pays de sport. On a beau avoir des sportifs monstrueux, la plupart ne s’entraînent pas en France, car ils savent que les conditions sont horribles.

Dans notre club, la piscine est publique. Les créneaux sont limités et on doit laisser beaucoup de place au public. Par exemple, au Pays d’Aix, il y a 2.000 adhérents, 66 sportifs de haut niveau, et on doit se batailler avec toutes les sections sportives pour avoir des créneaux. On a un bassin coupé en deux au milieu, donc on a 4 lignes de 50 mètres pour le public, et nous, on a 8 lignes de 25 pour nous. On est un pays avec tant de champions olympiques, de champions du monde, couper encore du budget… ça va encore aller en défaveur des sportifs. Je connais des sportifs qui ont dû arrêter leur carrière, car à un moment, il faut travailler et tout le monde n’a pas la chance d’avoir des avantages.

Le programme de ta saison est déjà établi ? Tu viseras les Coupes du monde ?

L’an dernier, j’ai gagné l’étape d’Aix donc, et j’ai fait troisième au classement général de toutes les manches de Coupe du monde. Ce sont des titres qui paraissent énormes, mais qui ne symbolisent pas grand-chose. Tous les nageurs ne se déplacent pas sur toutes les étapes de Coupe du monde, donc on ne peut pas dire qu’on est le vainqueur si tout le monde n’est pas là. L’an dernier, j’ai fait seulement trois étapes, cela m’a suffi pour cumuler assez de points pour une troisième place au final.

Ce sont des titres symboliques, mais dans ma saison, cela ne m’apporte pas d’argent ou de sponsors. C’est plus important pour le club qui peut tenter de le valoriser pour avoir des subventions par exemple. Mais on travaille aussi pour rendre le truc professionnel. À Aix, les vainqueurs pourront prétendre à gagner une palme, une combinaison par exemple, ou d’autres. Il n’y a pas encore de cash prize, mais le vainqueur ne repartira pas les mains vides.

Gagner un titre aux Mondiaux ou aux World Games, c’est un réel objectif avant la fin de ta carrière ?

J’aimerais vraiment faire une médaille internationale. En or, ce serait magnifique, mais déjà une médaille internationale en piscine. J’ai été médaillé en juniors sur les Championnats d’Europe, mais j’aimerais réussir à le faire en séniors, sur des épreuves plus huppées. Sur un 100 mètres, ce serait exceptionnel. Mais sur les World Games, je pense que ça n’arrivera pas. Le relais qu’on monte n’a pas le niveau pour être médaillé selon moi. Dans les années à venir, peut-être. Les relais ont été boycottés pendant des années en France, c’est en train de revenir, mais on a pris beaucoup de retard.

John Stockton, Gianni Bugno, Zinedine Zidane, Steffi Graf, Frode Andresen, Stéphane Stoecklin, Davis Kamoga, Primoz Peterka, Werner Schlager et Aurélien Rougerie. Point commun entre ces sportifs? Ils m'ont fait rêver et ont bercé mon adolescence. Je suis un fondu de sports et j'essaie de retranscrire ma passion à travers mes articles. Originaire du Périgord, ma passion pour les Girondins, les Jaunards et les Jazzmen transpire dans mes écrits. À Dicodusport depuis 2021, je déniche les sports méconnus dans lesquels la France brille, et il y en a !

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