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Edito

Dernier Tour de France avant la fin du monde

Jordane Mougenot-Pelletier

Publié le

Dernier Tour de France avant la fin du monde
Sébastien Nogier / AFP

EDITO – Le Tour de France 2020 est fini. Tadej Pogacar en est le grand gagnant, Primoz Roglic le grand perdant. Chronique du dernier Tour de France avant la fin du monde. 

Elle court, elle court, la maladie du Tour

On pensait pourtant en avoir fini. Après des jours et des mois de prévention, on s’était dit qu’on en serait sorti pour de bon. Voilà que la maladie est de retour. L’épidémie frappe de nouveau, cette fois elle semble encore plus forte. Peut-être parce qu’elle est plus sournoise, plus souterraine. Sans doute aussi parce que cette fois encore il y en aura à convaincre, d’autres à tempérer, certains à démentir.

Nous y voici donc : le grand doute est de retour. Enfin pas pour tout le monde. Peut-être même pas pour l’immense majorité des suiveurs du cyclisme international. Au vrai, on a du mal à savoir. Qui doute de qui ? Qui doute de quoi ? A quel jeu de dupe jouent les uns et les autres ? Du côté des anti, les voix se font entendre. Plus fortes, forcément plus fortes. Des anciens Maillots Jaunes, des habitués de la montagne, des journaux de gauche… Pour eux aucun doute possible : la grande maladie du cyclisme regagne le peloton. Ils ne veulent pas croire qu’un coureur capable de sprinter entre Bennett, Ewan et Sagan puisse se mettre à la planche dans les Alpes et faire péter les meilleurs grimpeurs du peloton.

Impossible aussi qu’un pays grand comme le plus grand département français place deux coureurs sur le podium. Surtout deux coureurs aussi forts et hégémoniques dans un Tour de France aussi dur. Mieux vaut ne pas leur causer watts développés.

Un paquet de saucisses

Du côté des pour, on croit au miracle. On croit surtout que le Tour de France est une course dans laquelle tout peut arriver, à tout le monde et à n’importe quel moment. Un Tour de France pour lequel on peut se transcender et penser en équipe. Une épreuve à ce point mythique et grandiose qu’elle permet tout, même l’impossible. Oui, Wout Van Aert peut faire péter un groupe maillot jaune. Oui il est l’un des meilleurs coureurs du monde, peut-être le meilleur du moment, et sa forme lui permet tout.

Surtout, la Jumbo-Visma a couru comme un paquet de saucisses. Cette équipe fière et sûre d’elle n’a pas pris au sérieux Tadej Pogacar. Coincée dans un modèle dépassé qui voudrait qu’on ne gagne pas un Tour de France sans une grande équipe. Un modèle que Pogacar et son équipe UAE-Emirates ont su dépasser. Mieux, ils se sont joués de la Jumbo et de son hégémonie pour attendre le moment parfait et prendre la tête du général.

Un plan parfaitement rôdé et préparé qui explique que Pogacar ait pilé Dumoulin, Van Aert, Cavagna, ou Roglic, pourtant membres de l’oligarchie des meilleurs rouleurs. Les watts ne voudraient rien dire sur un CLM de cette importance dans une étape d’un Tour de cette dimension.

Le Tour de France est la plus grande course du monde

Pendant ce temps, Joxean Fernandez Machin sourit. Parce qu’il en connait la valeur. On se rappelle qu’en 2008, alors que le Tour essayait bon an mal an de se sortir des années Armstrong, Machin ne souriait pas tellement. La queue entre les jambes, la honte pour tout masque, il avait dû, comme toute son équipe Saunier Duval, déguerpir de la course. La faute à un contrôle positif à l’EPO de son coéquipier Riccardo Ricco. La vie est un éternel retour.

Le Tour de France est la plus grande course du monde. C’est peut-être un poncif, c’est peut-être idiot. Mais c’est comme ça : le Tour de France est la plus grande course du monde. Qu’on lui change ses habitudes juilletistes, il survit. Il fait mieux que survivre. Le long des routes, la ferveur a été aussi fervente  qu’on peut effervescer par temps de CoVid. Qu’on lui fasse porter tous les maux de l’empreinte carbone jusqu’au machisme, il survit. Il en sort même grandi et rappelle combien Roland Barthes avait raison de le placer parmi ses Mythologies.

Le Tour de France a survécu à infiniment plus grave. Il survivra à tout. 

JMPPMJ

Journaliste/rédacteur depuis mai 2018 - Dans mon sang coule à la fois le feu des penne à l'arrabiata et la glace du Grand Colombier. Amoureux des belles lettres et des Talking Heads, je supporte un club olympique. Intéressé par les relations qu'entretient le sport avec la société, je m'intéresse autant à Marc Cécillon qu'à Pep Guardiola, à Tonya Harding qu'à Philipp Roth. Enfant des 90's, on ne me fera pas croire qu'il y a eu plus beau à voir depuis Zinédine Zidane, Marco Pantani et Pete Sampras. La béchamel est une invention du diable, la Super Ligue aussi.

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