Handisport
Jonathan Rohman : « Un énorme travail de sensibilisation à faire pour permettre l’accessibilité aux personnes en situation de handicap »

JEUX PARALYMPIQUES DE PARIS 2024 – À moins de deux mois de la cérémonie d’ouverture (28 août 2024), focus sur Jonathan Rohman, qui a décidé de portraitiser 20 athlètes qui devraient participer à la compétition (Les Yeux dans les Jeux : Portrait de vingt parasportifs ambitieux, TAS édition). Suiveur du monde paralympique de longue date, notamment lorsqu’il tenait son site internet “Tousausport.com”, il nous éclaire sur ce qu’il a pu apprendre au cours des entretiens.
- À ce sujet – L’actualité des Jeux Paralympiques de Paris 2024
Quel point commun avez-vous retrouvé chez l’ensemble des sportifs ?
Forcément, il y a la notion de résilience, que ce soient ceux qui sont accidentés de la vie et qui ont su rebondir au travers le sport de haut niveau et la recherche permanente de performance, que ceux qui sont nés avec un handicap et où le sport leur a permis d’accomplir des choses qu’ils n’auraient potentiellement pas pu accomplir sans ce handicap. Je pense particulièrement à Sébastien Verdin (Rugby fauteuil) qui disait qu’il n’aurait pas fait tout ça ni voyager autant s’il n’avait pas été en situation de handicap.
Mais il y a aussi la difficulté de financer une saison sportive quand on a encore un espoir. C’est un discours qui revenait quasiment tout le temps et même par ceux qui, aujourd’hui, sont des champions et qui vivent bien de leur sport. Je pense notamment à Lucas Mazur (parabadminton) qui me disait clairement que les débuts avaient été compliqués.
Comment l’expliquer ?
Ce n’est pas spécifique aux athlètes handisport, c’est aussi vrai dans le giron olympique. Un athlète qui veut performer doit créer une entreprise – c’est ce que me disait Heïdi Gaugain (para-cyclisme) – et il faut réussir à le faire en étant espoir pour enclencher une mécanique. Mais il y a aussi un manque de visibilité. Moi, ça fait 13 ans que je m’intéresse de très près au parasport. Au moment de créer mon site internet, il y avait quelques sites internet qui relataient spécifiquement de l’actualité handisport. Et aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il y en a encore moins.
La presse généraliste et la presse sportive s’y intéressent plus, mais c’est seulement parce que les Jeux Paralympiques approchent. Il y a une crainte de l’après-Jeux pour la plupart. Certains pensent qu’un engouement va se créer et perdurer, mais la plupart pensent que le soir du 8 septembre, les athlètes des sports paralympiques vont retourner dans l’ombre, mis à part quelques têtes d’affiche où il y aura des brèves pour relayer les résultats.
Récemment, il y a eu un autre problème. Timothée Adolphe a été refusé d’un taxi à cause de son chien-guide. Ce manque d’inclusion est-il inquiétant à moins de 3 mois des Jeux ?
Clairement. Le problème est que ça fait sept ans que l’on sait que Paris va accueillir les Jeux, mais sur l’accessibilité des transports en commun, c’est comme s’il ne s’était rien passé. La personne en cause était de l’entreprise G7, mais je me dis qu’il n’y a aucune raison de ne pas tomber sur un autre transporteur qui fasse preuve de mauvaise volonté. Ce n’est pas du tout la première fois que cela arrive à Timothée Adolphe et quelques jours après le “buzz médiatique“ s’est reproduit. Un énorme travail de sensibilisation reste à faire pour permettre l’accessibilité aux personnes en situation de handicap. Il y a le cadre légal, mais il y a aussi le bon sens. Et il n’est pas toujours au rendez-vous.
La Fédération française handisport regroupe plusieurs disciplines. Mais les sportifs aimeraient plutôt rejoindre leur fédération homologue. La FFH pourrait-elle être en danger ?
Les athlètes pensent que les fédérations sportives auraient plus de moyens pour financer leur saison que la fédération handisport. Mais la FFH a absolument besoin de conserver les disciplines parce que sinon ils n’auraient plus les financements nécessaires pour apporter leur expertise et former les personnes sur l’accueil des publics en situation de handicap. Ça ne vaudrait pas que pour les athlètes de haut niveau, mais pour toutes les personnes en situation de handicap. S’ils rejoignent la fédération homologue, les athlètes seront tributaires du bon vouloir de leur nouvelle fédération.
Par exemple, pour Thibaud Lefrançois en volley assis (qui appartient à la Fédération française de volley-ball), ce n’est que deuxième année avec championnat de France en 6 contre 6, le format paralympique. C’est-à-dire que la discipline qui existe aux Jeux (depuis 1980 pour les hommes et 2004 pour les femmes) n’existait pas en France. Dans certains cas, cela peut aider, mais ce n’est pas la solution miracle non plus. Par contre, je suis convaincu qu’il faudrait plus de passerelles entre la FFH et la fédération homologue.