Nous suivre

Jeux Paralympiques de Paris 2024

Ksénia Chasteau : « Ce que j’ai réalisé en quelques mois pour me qualifier aux Jeux, c’est fou ! »

Maxime Cazenave

Publié le

Ksénia Chasteau : "Ce que j’ai réalisé en quelques mois pour me qualifier aux Jeux, c’est fou !"
Photo Icon Sport

JEUX PARALYMPIQUES 2024 – Les Jeux Paralympiques 2024 vont débuter la semaine prochaine, dès le mercredi 28 août. Cadette de la sélection de tennis fauteuil, Ksénia Chasteau découvrira l’évènement à seulement 18 ans. Grande promesse de la discipline, cette dernière a écrasé le circuit Juniors avant de se hisser aux portes du Top 20 mondial, et d’être sacrée championne de France. Le tout, seulement trois ans et demi après l’accident qui a bouleversé sa vie. La tête sur les épaules, la Marseillaise s’est confiée sur son ascension éclair avant son entrée en lice aux Jeux, le vendredi 30 août prochain.

À 18 ans, tu t’apprêtes à disputer les Jeux Paralympiques, qu’est-ce que cela représente pour toi ?

J’aime mettre en avant ma jeunesse parce qu’on est dans un sport paralympique, où les personnes ont vécu un évènement dans leur vie ou à la naissance. La plupart percent plus tard, à partir de 25,30 ans, et même dans la trentaine. Aujourd’hui, il y a une nouvelle génération qui arrive. Je ne suis pas la seule, il y a aussi un Japonais qui a mon âge et est dans le Top 3 mondial en ayant commencé plus tôt. C’est vrai que ça représente beaucoup pour moi de participer à mes premiers Jeux aussi jeune, et forcément ce n’était pas prévu dans les plans.

Il y a trois ans j’étais sur un lit d’hôpital, et je ne vais pas me jeter des fleurs, mais c’est quand même fou ce que j’ai réalisé en une saison. C’est uniquement sur cette saison que je me suis qualifiée. Je suis vraiment fière de moi et j’ai eu le temps d’en profiter ces dernières semaines parce que je n’avais pas eu l’occasion dans l’action de la saison. Avec mon entourage et mon équipe, on a réalisé quelque chose d’incroyable.

Il y a un an, je me disais que ce serait la cerise sur le gâteau d’être à Paris, sinon ce serait Los Angeles. Aujourd’hui, j’y suis et en étant numéro deux française ! J’ai reçu assez de gratitude, désormais, je suis dans ma préparation, donc j’essaie de rester concentrée, dans ma bulle, pour les Jeux.



À partir de quel moment as-tu commencé à croire à la possibilité d’y prendre part alors que tu évoluais encore quasi exclusivement sur le circuit Juniors il y a un an ?

Lors de mes derniers tournois de l’année 2023, j’ai commencé à faire des belles performances, et j’ai battu pour la première fois une joueuse du Top 20 mondial à l’ITF2 d’Orléans. Derrière, je ne vais pas loin dans les tournois, mais je réalise des performances significatives. Ça m’a fait croire en moi, et mes capacités, surtout que je n’étais pas loin de la quatrième française (quatre françaises qualifiées pour Paris 2024). Je n’ai pas réussi à la dépasser avant la fin de la saison et j’étais déçue puisque cela représentait un objectif.



Mais en me posant, je me suis dit que si je deviens quatrième française, je franchis un palier, le suivant étant d’intégrer le Top 26 mondial comme demandé par l’ITF. En plus, on m’avait informé qu’il y aurait une Wild Card, donc en parvenant à conserver un bon classement, au moins dans le Top 30, c’était dans la poche. J’ai commencé l’année 2024 avec notamment mes premiers championnats du monde par équipe. J’ai réussi à me hisser au rang de quatrième française pour y participer. À partir de là, c’est devenu une réelle possibilité !

Est-ce qu’un programme spécifique a été mis en place pour ces Jeux en comparaison à la préparation d’un tournoi du Grand Chelem ?

Avant tout, on a une saison extrêmement chargée. J’avais réalisé une seule demi saison avant, donc c’était ma première complète, mais je sais à quel point le nombre de tournois qu’on a disputés est astronomique. C’était ce qu’il fallait faire pour mettre le maximum de chances de notre côté. On était toutes au même niveau avec les filles du Pôle France dans le sens où on participait aux mêmes tournois. Habituellement, il n’y en a pas autant, même si c’est un sport dans lequel on bouge beaucoup dans l’année. Là, on en disputait deux par mois minimum et on se retrouvait chez soi seulement quatre, cinq jours par mois. C’est la principale différence.

En termes de préparation, j’ai beaucoup poussé sur la dimension mentale et c’est ce qui, je pense, a fait la différence. Niveau physique, c’est assez similaire, mais aussi différent puisqu’il a fallu faire preuve d’adaptation. Notamment pour limiter les risques de blessure puisque l’on s’entraînait moins, et on prend des habitudes en enchaînant les tournois. On a été très vigilant sur ce plan-là. C’est ce qui fait la grande différence entre une saison classique et une saison paralympique.

Tu vas retrouver Roland-Garros, quelques semaines après ta victoire lors de la 1e édition Juniors. Est-ce que ce succès est le plus beau de ta jeune carrière ?

C’est clair que pour le symbole, une victoire à Roland-Garros, c’est magnifique. C’est un honneur d’être la première personne à remporter ce tournoi. En revanche, la victoire en elle-même est loin d’être la plus belle. C’est un très beau souvenir, j’ai appris énormément de cet évènement, et ça va m’aider pour les Jeux. Ce sera encore plus important en termes d’engouement, de public. Mais la victoire à l’US Open était très belle aussi parce que j’étais dans ma bulle avec mon équipe.

Alors qu’à Roland, je suis rentrée dans des travers où je jouais pour les autres. Et ce n’était pas facile à gérer. J’étais aussi en train de passer mon bac donc c’était une période de stress assez importante, mais cette expérience a été enrichissante. Cela me servira pour les Jeux, pour toute l’attention médiatique en dehors du court que je n’avais pas connu jusque-là. C’est super, mais c’est à la fois une claque positive et négative puisque ça renforce la pression, dans une période qui était déjà stressante.

Sinon j’ai de belles victoires et aussi de belles défaites. En particulier à la coupe du monde par équipe quand je perds contre la numéro deux hollandaise. Ce jour-là, j’étais comme sur un nuage, je jouais bien. Elle était plus forte donc elle a gagné le match, mais les sensations étaient incroyables.

Tu prendras part au double avec Pauline Deroulède. Vous avez enchaîné les tournois dernièrement pour trouver des automatismes. Comment se passe cette association toute récente ? Est-ce que tu profites aussi de l’expérience de Pauline pour renforcer tes acquis ?

Au départ, j’étais partie pour faire les Jeux avec Charlotte (Fairbank). On est très proche en dehors du court et on s’entend bien. Mais tennistiquement, on a trouvé une alchimie plus importante avec Pauline à une période de l’année, en avril, mai, et on a décidé de partir aux Jeux ensemble. Ça fonctionne super bien et on a eu de bons résultats durant la préparation. C’est du travail puisqu’on a toutes les deux le même caractère, un peu leader dans l’âme. Ce qui peut être un atour, mais aussi un danger. Je me sers beaucoup de son expérience. Ce sera à toutes les deux notre première participation aux Paralympiques et je pense que l’on s’apprend mutuellement des choses.

L’important, c’est qu’on s’entende bien sur le terrain, et qu’on prenne du plaisir. On travaille le double avec des sparring-partners. Ça a été dur de changer de partenaire puisque ça fonctionnait pas mal avec Charlotte, on avait gagné des tournois, et c’était une décision difficile de tourner la page.

J’ai l’envie et l’ambition d’aller chercher une médaille.

Quel vont être tes objectifs pour tes premiers Jeux, où tu prendras à la fois part aux tableaux simple et double ?

On a la conviction d’aller jusqu’au bout. Il y aura plus de possibilités en double, où le tableau est restreint avec seulement 13 paires. En plus, certaines paires très fortes sur le circuit ne sont pas de la même nationalité, donc ça change tout. Il y a quand même les paires hollandaises ou chinoises qui sont très fortes, mais il y a bien plus de place qu’en simple.

Après, je suis optimiste pour aller chercher aussi une médaille en simple. Je le verbalise, il n’y a pas de problème ! C’est clair que c’est assez ambitieux, mais ces derniers mois, j’ai gagné des tournois, j’ai battu des filles du Top 10 mondial. Je suis capable de battre beaucoup de monde si physiquement et mentalement, je suis présente. Les autres filles auront aussi énormément de pression. Moi, je suis encore l’outsider, je n’ai rien à perdre et tout à gagner ! J’ai l’envie et cette ambition d’aller chercher une médaille. Je ne souhaite pas rentrer dans la compétition sans en rêver concrètement. Je sais que c’est possible. Après, il y aura forcément un jeu de tirage aussi. Diede De Groot au premier tour par exemple, ce ne sera pas évident !

Depuis trois ans et demi, tu as connu une ascension fulgurante pour te retrouver aux portes du Top 20 mondial. Quel regard portes-tu sur ton évolution depuis tes débuts en tennis fauteuil ?

C’est très positif. Sur ce temps, il y a eu plus d’un an passé à l’hôpital donc au final ça fait un délai très court. Sportivement, il n’y a que du plaisir et de la réussite. Je n’ai pas eu de blocage psychologique pour pratiquer le même sport, mais en fauteuil. Je suis très fière de moi, sur l’approche des choses, je n’ai rien forcé, ça s’est naturellement bien goupillé. Ça m’a aidé, je pense, à être résiliente et dans ma reconstruction. C’est même une certitude. Le sport aide dans la reconstruction après un évènement difficile, que ce soit un accident ou autre. Par contre, il y a des traumatismes. Je travaille encore sur moi-même. Ça se résorbe année après année. Il y a des choses qui sont moins dites, mais présentes.

Je suis très heureuse de ce que j’ai fait depuis trois ans et je me vois aussi grandir en tant que personne. Mon accident s’est produit à 15 ans, là où l’on se découvre en tant qu’adolescente, puis jeune femme. J’ai été interrompue dans cette évolution personnelle, mais j’ai réussi à retrouver ça cette année. C’est vraiment une année riche, scolairement, sportivement, personnellement… Je me vois grandir en sachant que ce processus devait démarrer plus tôt, avant d’être interrompu, mais ce n’est pas grave. C’est assez drôle même, vu que j’ai des envies qui ont ressurgi ces derniers mois et c’est super d’enfin pouvoir revivre. Avant, j’étais dans l’action et je ne réfléchissais pas trop. Mais là ça redémarre, donc tout est dans l’ordre et suit une évolution normale. Le bilan est super positif sur tous les plans !

Journaliste/Rédacteur depuis 2012 - Bercé par l’amour des Girondins de Bordeaux, les échecs de Christophe Moreau sur le Tour de France sous l'ère Lance Armstrong et le fade-away létal de Dirk Nowitzki, ma passion dévorante pour le sport a toujours été un pan incontournable de ma vie. Transmettre ma passion à l’écrit a été une transition naturelle. Suiveur assidu de basket et de hockey sur glace, je garde toujours un peu de place pour suivre le cyclisme, le football et le maximum de performances françaises.

Clique pour commenter

Laisser un commentaire

Vos commentaires sont pris en compte mais ne s'affichent pas actuellement suite à un souci technique.


Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *