Cyclisme sur route 2025
Léa Curinier (FDJ-Suez) : « J’espère pouvoir être inspirante pour de jeunes filles »
CYCLISME – Entretien avec Léa Curinier, la jeune coureuse de 23 ans, qui évolue dans la formation française FDJ-Suez. Elle revient sur son année 2024, marquée par des progrès dans tous les aspects et un rôle de coéquipière au sein de son équipe. Elle évoque également ses objectifs pour la saison 2025 et son envie de remporter sa première course professionnelle. Léa Curinier aborde aussi sa vision du cyclisme et de son développement chez les femmes. Ainsi que son passage à l’étranger, au sein de la formation DSM, qui lui a beaucoup apporté.
- À ce sujet – L’actualité du cyclisme sur route
Léa Curinier : « Le Tour, c’est vraiment à part »
Vous avez passé un cap en régularité cette saison. Est-ce que vous êtes satisfaite de cette année ?
Léa Curinier : Clairement, je suis satisfaite de cette saison. D’un point de vue personnel, je pense avoir franchi un cap. Je pense que j’ai travaillé dur. Il y a eu pas mal de changement, avec un nouvel entraîneur et une nouvelle équipe. Je pense que je me sens vraiment bien au sein de l’équipe. Et c’est ça qui a fait que j’ai passé un bon cap cette année. C’est vrai qu’il y avait un bon engouement et une bonne implication de toute l’équipe. Cela nous pousse à la performance.
Vous avez été une coéquipière de luxe, voire la dernière fusée de votre leader. C’est un rôle qui permet de grandir en tant que cycliste ?
Je ne sais pas si on peut dire coéquipière de luxe, mais j’essaie d’être la meilleure possible. C’est un passage essentiel dans une carrière, pour peut-être plus tard devenir leader. C’est un rôle que j’affectionne, celui de me donner à 100 % pour l’équipe et être au côté de ma leader.
Il y a eu le Tour, pour la deuxième fois de vote carrière. Est-ce que vous pouvez me raconter cette expérience ?
C’est vrai que l’ambiance est quelque chose à part, avec énormément de public. C’est vrai que le cyclisme féminin se développe. Mais le Tour c’est vraiment autre chose. Les gens sont beaucoup plus intéressés et grâce au Tour, la visibilité est plus forte. Cela permet de nous faire connaitre. Et je trouve qu’il y a encore eu un cap de franchi cette année, après la saison 2023. Pour moi, cela reste une de mes courses préférées et il y a toujours un sentiment particulier, lors des étapes.
Léa Curinier : « Les Strade Bianche, c’est ma course favorite »
Entre 2023 et 2024, vous avez fait un bond au classement général, dans un rôle de coéquipière. Ce sont des résultats réellement intéressants.
C’est sûr. Comme je suis dans un rôle de coéquipière, on laisse de côté le personnel. Mais à la fin du Tour, quand je vois que je termine 19e, je me dis que ce n’est pas si mal. Même si je travaille pour mes leaders, c’est ultra-motivant de se faire autant plaisir sur le vélo. Quand le petit résultat personnel peut venir à côté, c’est un plus.
Le Tour de France grandit, avec une étape en plus en 2025 et plus de montagne. On dit que le Tour fait grandir les coureuses. Mais est-ce que les coureuses ne font pas grandir le Tour ?
C’est un tout. On est de plus en plus préparées à cela. C’est le gros objectif de l’année, car tout le monde rêve d’être au départ du Tour. Et une fois au départ et sélectionnée par l’équipe, il faut que tout soit parfait, pour cette semaine-là. Les coureuses passent un cap, les médias passent un cap et c’est un ensemble global. C’est vraiment top pour le cyclisme féminin.
C’est la course de vos rêves, où d’autres vous font vibrer ?
Ma course favorite ce sont les Strade Bianche. J’avoue que c’est vraiment une course que j’affectionne particulièrement. Mais le Tour, c’est le plus beau des Grands Tours.
Vous aviez participé au Giro par le passé. C’est totalement différent ?
J’ai fait le Giro, il y a quelques années, en 2021. On était au début de l’évolution du cyclisme féminin. C’est vrai que l’organisation était encore différente et c’est difficile de comparer avec un Tour de France en 2024. Mais le Tour de France reste la référence dans le milieu du cyclisme. Ça le devient encore plus pour le cyclisme féminin.
Léa Curinier : « J’aimerais lever les bras en 2025 »
Avez-vous pu discuter avec votre staff, de vos objectifs pour la saison 2025 ?
On a pu échanger au mois d’octobre avec l’équipe. Avec les directeurs sportifs et les entraîneurs. C’est encore un peu frais et il faut se remettre dans le bain. Mais les grands axes sont tracés. Pour ma part, j’aimerais bien enfin réussir à lever les bras, sur n’importe quelle course. Avoir cette victoire. Puis continuer ma progression. Cette année, j’avais un rôle de coéquipière et de capitaine de route. Je veux continuer de progresser dans ce rôle. Si je continue ma progression, les résultats viendront avec.
On évoque la trêve hivernale. Quelque chose que le public connait moins, par rapport à la compétition. Que fait un cycliste l’hiver ?
La préparation d’une saison, c’est assez long. On voit que les courses, mais avant d’être sur une course, il y a un travail en amont qui est fait. Je fais des longues sorties d’endurance l’hiver. Je reprends petit à petit les intensités. Mais on fait beaucoup de foncier. Je fais un petit peu de cyclo-cross à côté, parce que j’aime cela. Et c’est toujours bien d’en faire quand il fait froid. Cela permet de s’amuser dans les bois. Il faut vraiment essayer de trouver ce qui nous convient. Une routine amusante. Car on sait qu’à partir de janvier, les choses sérieuses vont reprendre. Avec des vraies intensités et des entraînements que sur route. Là, on se fait plaisir, on s’entraîne et on essaye de profiter du beau temps.
Est-ce que, lors de longues sorties, vous arrivez à vous « évader » mentalement ?
Sur les sorties endurance, on a le temps de penser à pas mal de choses. J’aime rouler en groupe. Dès que j’ai des longues sorties, j’aime bien y aller avec des amis. Pour ne pas me retrouver seule avec ma musique. Cela permet de parler d’autre chose et le temps passe plus vite. Quand on a des exercices, c’est mieux d’être focus sur son entraînement. C’est bien d’allier l’utile à l’agréable et profiter du vélo pour parler de tout et de rien avec les copains.
Léa Curinier : « Demi Vollering est la plus grande cycliste au monde actuellement »
Anthony Perez nous avait confié qu’il profitait des paysages, lors de certaines séances. C’est votre cas aussi ?
Clairement oui. J’aime bien la montagne et quand je roule en Ardèche, par chez moi, j’ai l’occasion de grimper et de voir les monts ardéchois. J’aime bien voir ça et me dire que j’ai de la chance d’être là sur mon vélo en train d’admirer le paysage. C’est sûr que, quand je suis en plein effort, j’avoue que je regarde un peu moins le paysage. Mais sur des sorties plus calmes, j’aime bien me rendre compte de la chance que j’ai.
La FDJ-Suez est en train de franchir un cap, avec l’arrivée de Demi Vollering. Est-ce qu’il y a de l’impatience de courir avec une coureuse de ce calibre ?
C’est la plus grande cycliste au monde actuellement. Elle a un palmarès incroyable. Pour être honnête, je ne l’ai pas encore rencontré. On va avoir le media day et la présentation de l’équipe la semaine prochaine (NDLR : elle est passée). On va enchainer avec un stage collectif, avec toutes les coéquipières et toutes les nouvelles. J’ai hâte de rencontrer tout le monde. C’est assez impressionnant, mais cela reste une athlète et un humain. Cela reste quelqu’un comme nous. Je pense que cela va être une belle année pour nous et pour l’équipe. Qui va franchir un cap la saison prochaine, avec de nouveaux objectifs.
Est-ce que vous avez senti cette dynamique collective, lors de votre première saison avec l’équipe ?
Tout le monde est impliqué, que ce soit le staff comme les coureuses, dans le bien-être et la performance. On a un but, c’est de gagner. Cela motive sur tous les plans. C’est vraiment un tout.
Léa Curinier : « Je suis contente d’être partie à l’étranger »
Très jeune, vous êtes partie à l’étranger. C’est un sacré pari. Cela vous a permis d’apprendre quoi sur vous ?
C’était assez osé. Je suis contente de l’avoir fait, car cela m’a fait sortir de ma zone de confort. Quand je suis arrivée dans l’équipe, je n’avais qu’un anglais de base, lié à l’école. Je me suis rendu compte que je ne savais pas vraiment parler anglais (rires). Je n’avais pas le choix, si je voulais communiquer avec mes coéquipières et le staff, je devais me lancer. Grâce à cela, j’ai pu évoluer et gagner en maturité. D’un autre côté, j’ai pu découvrir une autre mentalité. On dit que les Néerlandais appartiennent au pays du vélo. C’est une bonne expérience durant ces deux années. J’ai pu grandir.
Il y a une émergence de talents en France, est-ce une pression ou un plaisir ?
Ce n’est pas une pression, c’est plus un plaisir. Et une part de fierté de me dire que tous les entraînements faits, payent. Je suis réellement contente d’en être là aujourd’hui. De donner l’envie à des petites filles de faire du vélo. C’est quelque chose qui me tient à cœur et qui me rend heureuse. On espère toujours qu’il y aura la relève derrière.
Est-ce qu’il y a une coureuse qui vous a inspiré ?
Pauline Ferrand-Prévot. C’est la cycliste française avec trois titres de championne du monde dans trois disciplines différentes. C’est un grand nom. Et quand j’ai commencé le vélo, c’était l’époque PFP (Pauline Ferrand-Prévot) qui faisait du cyclo-cross et de la route. C’était inspirant pour nous. J’ai beaucoup regardé Marianne Vos. Ce sont deux reines du cyclisme, qui sont des exemples pour nous et pour la jeune génération.
Léa Curinier : « Je ne pensais pas gagner un jour ma vie en faisant du vélo »
Vous avez pu discuter avec des ainées, sur l’évolution du cyclisme féminin, sur ce qu’elles ont vécu en début de carrière ?
Pas vraiment, je l’avoue. On en parle entre nous, mais ce n’est pas du passé, mais plus de ce qu’il se passe actuellement. Ce qu’il se fait.
Et quel regard avez-vous sur votre sport et son évolution ?
Cela évolue de manière favorable même s’il y a encore du travail. On aimerait que cela aille encore plus vite. Mais on a franchi un cap, les courses sont diffusées à la télé, ce qui est vraiment top. C’est bien qu’il y ait des salaires minimums dans le cyclisme féminin. Pourquoi les hommes et pas les femmes après tout. Maintenant, on peut vivre de notre passion, c’est devenu un métier et on peut à 100 % se focaliser sur le sport. C’est bien.
Vous en vivez depuis votre arrivée chez DSM ?
C’est justement l’année de mon arrivée chez DSM, que les salaires minimums ont été imposés.
Cela vous a apporté, dans votre quotidien, de savoir qu’un salaire arrive tous les mois, de façon certaine, notamment en termes de sérénité ?
Clairement, c’est un plus au vu de ce qu’il se passe dans la vie actuelle, avec les prix qui augmentent. C’est quand même plus rassurant. C’est un vrai plus de faire ma passion et de voir que cela devient mon métier. Et c’est bien pour l’après.
Vous l’aviez imaginé, quand vous avez commencé le vélo ?
Pas vraiment. Mes parents m’ont toujours dit de faire du sport pour m’amuser et d’aller à l’école à côté. Je ne pensais pas pouvoir gagner un jour ma vie en faisant du vélo.
Léa Curinier : « Je pense qu’on est un exemple pour le public »
Vous avez dit que vous aimeriez devenir une coureuse inspirante. C’est quelque chose qui vous tient à cœur ?
Je pense qu’on est un exemple. On est de plus en plus regardées par le public et on doit d’être à la hauteur et de renvoyer une bonne image. Et si on peut aussi permettre au cyclisme féminin de se développer, je serais vraiment impliquée là-dedans, pour la suite.
Il y a des campagnes de communication sur le cyclisme féminin et sur le côté inspiration. Ce sont des campagnes indispensables pour vous ?
Je pense qu’on est dans un moment de la vie où la place de la femme, dans la vie et dans le sport, évolue. Cela permet de renforcer cette image-là. Et de montrer qu’une femme est capable de faire du vélo et de gagner des courses. C’est un vrai plus. Il va y avoir une étape du Tour Femmes, ce qui n’existait pas avant. Cela va permettre à plein de femmes de se lancer et se mettre au vélo.