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Valentin Dubois (Parkour) : « Mon objectif, c’est d’être numéro 1 »

Tanguy Le Jeune

Publié le

Valentin Dubois (Parkour) : « Mon objectif, c'est d'être numéro 1 »
Photo Valentin Dubois

PARKOUR – Premier de Ninja Warrior en 2016, champion d’Europe de World Chase Tag en 2019 et récent 4ème de la Coupe du monde de Speedrun, Valentin Dubois est aujourd’hui une personnalité incontournable du Parkour en France. À bientôt 30 ans, le membre de l’équipe BlackList Parkour se confie, pour Dicodusport, sur sa carrière, son futur et ses différents objectifs dans le monde du Parkour. 

Bonjour Valentin, comment vas-tu ? Peux-tu te présenter et expliquer ce qu’est le parkour pour ceux qui ne connaissent pas la discipline ?

Valentin Dubois, j’ai 29 ans (30 ans le 30 septembre prochain; ndlr) et je fais du parkour. Le parkour, c’est un sport qui utilise les formes, les obstacles dans l’environnement pour générer du mouvement, du déplacement à travers ces obstacles. Beaucoup de débats ont eu lieu sur la définition de ce sport, notamment entre les notions de parkour et de freerun. En soi, le freerun signifie course libre, ce qui rentre complètement dans la notion de parkour. Après, tout le monde s’accorde sur les valeurs morales transmises par ce sport. Tous les pratiquants sont en phase avec le respect de soi, le respect des autres et cherchent à devenir de meilleurs êtres humains. Cet aspect moral est quelque chose qui m’a beaucoup aidé, et qui, je pense, peut aider beaucoup de personnes. C’est quelque chose d’important pour moi d’allier le fond à la forme.

Comment as-tu découvert le parkour ? Quelles ont été tes idoles, tes références, et qu’est-ce qui a forgé ta passion pour ce sport ?

À la base, je faisais beaucoup de Skateboard. J’ai grandi sur l’île de la Réunion et là-bas, tout le monde passe son temps dehors. C’est une île très sportive, il y a des gens qui font du surf, du foot, de la randonnée, etc. À cette époque, j’avais un ami qui s’appelle Philippe et qui était fan de Jackie Chan. Dans les films de Jackie Chan, on le voit beaucoup faire ce qui s’apparente aujourd’hui à du parkour. Je trouvais ça super cool de voir mon pote essayer de l’imiter, faire des saltos, jouer au ninja et j’ai donc arrêté le skate pour faire comme lui.

Le véritable élément déclencheur de ma passion pour le parkour, c’était le documentaire de Sébastien Foucan, Jump London, qui parlait du fond de la pratique. Il parlait de libérer son esprit, faire face à ses peurs, être courageux… Des valeurs morales qui m’ont beaucoup touché et forgé pendant mon adolescence. Après, il y a évidemment David Belle et les Yamakasi, qui sont, avec Sébastien, les pionniers du sport. Autrement, ma plus grande inspiration, c’était Sangoku des Dragon Ball Z. Voir ce mec qui passe son temps à s’entraîner, à chercher des adversaires plus forts que lui, ça m’a beaucoup excité, cet aspect de dépassement de soi à l’entraînement, dans le seul et unique but de s’améliorer et de vaincre.

Dans une vidéo sur la chaîne Youtube BlackList Parkour, tu expliquais que tu étais médiateur culturel au Centre Georges Pompidou avant ta carrière dans le Parkour. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer à 100% dans ta carrière de Speed Runner ?

Dans le parkour, je n’ai jamais été très fort. Dans la vie, tout le monde naît avec un talent dans un domaine précis. Le mien réside plus dans l’art que dans le parkour. J’ai toujours été fort pour comprendre les différents concepts artistiques, et j’ai une certaine sensibilité aux formes, aux lumières, au son. Je suis d’ailleurs diplômé des Beaux Arts de Lyon. Mais à côté de mes études, j’avais monté une association de parkour avec des amis et je voyais qu’on gagnait un peu d’argent. Alors, c’est à partir de là que j’ai commencé à rêver d’une carrière dans le parkour. Une fois diplômé, j’ai ensuite commencé à travailler au Centre Georges Pompidou pour me faire de l’argent et pour pouvoir quand même m’entraîner en parallèle. Mon travail de Médiateur Culturel consistait à montrer les expositions aux visiteurs, expliquer les œuvres, animer des ateliers, etc. J’adorais mon travail.

C’est à cette époque que j’ai commencé la compétition, en 2014. À partir de là, j’ai commencé à beaucoup m’entraîner. Et même si je n’étais pas très talentueux, je me disais qu’à force de travailler, j’allais devenir plus fort que tout le monde. Ensuite, j’ai terminé premier de Ninja Warrior, en 2016, lors de la première saison de l’émission. J’étais super fier de moi. Quelques temps après ça, j’ai rencontré une fille de Hong-Kong et j’ai quitté mon travail pour aller vivre avec elle là-bas. Finalement, elle m’a quitté quelques temps après, donc je suis rentré en France. Et c’est à partir de là que j’ai commencé à tout donner dans le parkour. J’ai commencé à coacher de 2016 à 2017 et je me suis vraiment lancé dans la compétition en 2018.

Est-il aujourd’hui possible de vivre de cette discipline ? Bénéficies-tu de sponsors qui te permettent de te consacrer pleinement à ta passion ?

Je dirais plus que je survis du parkour, surtout avec le Covid-19 qui complexifie les choses. Aujourd’hui, la compétition n’est pas une source fiable de salaire parce que dans les compétitions, il n’y a de l’argent à gagner que pour trois personnes. Après, pour joindre les deux bouts, tu peux faire du coaching, des shootings pour différentes marques, tu peux tenter des castings, etc. En 2019, j’ai travaillé comme acrobate dans une comédie musicale et j’étais donc intermittent du spectacle. Aujourd’hui, je ne gagne pas ma vie du parkour, mais paradoxalement, j’y consacre ma vie. C’est un chemin de vie un peu angoissant parfois, mais moi j’adore. Je suis tellement bien à faire du parkour, c’est ma passion. Mais pour répondre à ta question, non, je n’ai pas de sponsors.

Le parkour est une discipline qui se démocratise de plus en plus notamment grâce aux réseaux sociaux ou aux émissions comme Ninja Warrior et Ultimate Beastmaster. Ressens-tu cette évolution ? Y a-t-il plus de reconnaissance et de médiatisation autour de ce sport ?

Je pense que le parkour, c’est une discipline super sexy qui attire beaucoup. Ça fascine les gens de voir ces hommes qui expriment une forme de liberté dans leur expression du corps. Je pense qu’il n’y a pas grand-chose de plus fort que de voir un mec sauter entre deux immeubles ou grimper un mur. Et ça, depuis l’époque des Yamakasi d’ailleurs. Donc, effectivement ça se démocratise, mais c’est aussi parce que certaines personnes ont compris qu’elles pouvaient gagner de l’argent avec le parkour. Cette démocratisation, elle a principalement eu lieu dans le monde de l’audiovisuel avec les cascadeurs qui intègrent le parkour à leur art, entre guillemets.

Et puis, comme tu l’as dit, la télé s’y intéresse aussi avec des émissions comme Ninja Warrior, effectivement. Après, je ne pense pas que Ninja Warrior soit inspiré du parkour, c’est une émission japonaise qui a commencé quand le parkour n’était pas très connu. Cette émission repose surtout sur l’idée de parcours du combattant, mais il y a effectivement cette idée de franchir un parcours. Mais au-delà de ces émissions, le parkour tend à être reconnu au niveau national dans certains pays. La fédération française de gymnastique s’y intéresse beaucoup, puisque le sport prend de plus en plus de place chez leurs licenciés. Le problème du parkour pour son évolution mercantile, c’est qu’il n’y a rien à vendre. Il y a juste besoin d’un t-shirt, d’une paire de baskets et puis c’est bon.

Tu as récemment terminé 4ème de la Coupe du monde de Speed run à Sofia en Bulgarie, avec notamment un excellent run au second tour. Cependant, malgré cette belle performance, tu as montré ta déception sur les réseaux sociaux. Est-ce véritablement un échec pour toi ou parviens-tu à tirer du positif de cette 4ème place ?

C’est clairement un échec pour moi puisque mon objectif, c’est d’être numéro 1. J’ai commencé à m’entraîner réellement au speed running en 2017, lorsque j’ai arrêté Ninja Warrior et vraiment, mon objectif, c’est d’être le premier à chaque compétition de speed running. Après, mes adversaires sont très forts et la compétition est rude. Mais c’est toujours une déception quand tu as des attentes vis à vis d’un objectif et que tu échoues. Je m’inspire beaucoup d’athlètes comme Mike Tyson par exemple qui ne vivent que pour gagner. Je pense que dans chaque compétition, il faut arriver avec cet état d’esprit de guerrier, cette nécessité de gagner.

Maintenant, avec du recul et un peu plus de lucidité, 4ème c’est pas mal du tout, surtout avec les concurrents que j’avais face à moi. Je suis arrivé sur la compétition avec beaucoup de doutes liés au Covid-19 qui a remis en question mes deux dernières années d’entraînement, à cause de tous les événements qui ont été reportés. Et malgré ces doutes, j’ai quand même réussi à performer. Ce que je retiens surtout, c’est ma progression. Mais je pense que ce n’est pas suffisant et maintenant, j’ai juste envie de m’entraîner et de devenir plus fort. Et puis je pense que quiconque va à une compétition y va pour gagner.

Sur l’un de tes derniers posts Instagram, tu avouais envisager d’arrêter la compétition après une dernière année de compétition en 2022. Quelles sont les raisons de ce choix ?

À vrai dire, je m’étais même dit que la Coupe du monde pourrait être ma dernière compétition, mais que ça dépendrait de mes résultats. Mais comme ils sont encourageants, je continue. En fait, ça dépend aussi de la question financière, parce que je passe ma vie à m’entraîner, et tout est orienté autour du parkour dans mon quotidien. Ce mode de vie n’est pas durable sur le long terme, sans apport financier. Et puis, je vais avoir 30 ans dans quelques jours, ça fait deux ans que je suis avec ma copine, et il y a aussi la question de la famille, acheter un appartement, etc. Il y a toutes ces questions un peu plus matures que je me pose, qui pourront me faire arrêter la compétition. Après, mon but c’est vraiment de continuer tant que je suis content de mes performances.

Dans le futur, je me vois travailler avec des marques, travailler dans l’audiovisuel, et même accomplir quelques projets artistiques. Je me vois aussi continuer dans le World Chase Tag à gérer l’équipe BlackList lorsque je ne serai plus au niveau. Et puis, je parle de ça, mais ce ne sera pas avant 5 ou 6 ans. Avec une bonne hygiène de vie et un entraînement régulier, il y a moyen de rester au niveau assez longtemps, surtout dans le World Chase Tag où il n’y a pas forcément de gros sauts à prendre. Je pense par exemple à Sébastien Foucan qui, à plus de 40 ans, nous a aidés à marquer de gros points quand on a gagné le championnat d’Europe en 2019.

Comme tu l’as évoqué précédemment, tu fais aussi partie de l’équipe BlackList Parkour. Peux-tu nous parler de votre rencontre, votre création et de ce que vous faites ensemble ?

BlackList, c’est un groupe que je tiens de mes années à l’Ile de la Réunion, on avait monté un petit groupe avec des amis, et ce groupe portait déjà ce nom. A l’époque, c’était Axel Dupre, le chef de notre groupe. Ensuite, à mon retour dans la région parisienne, j’ai essayé de relancer un peu ce groupe, de trouver des gens avec qui m’associer pour essayer de créer une association, donner des cours et faire des spectacles notamment. Je me suis donc associé avec Mehdi Hadim, Nabil Hadim, Marc Honoré, Abdallah Marega. Par la suite, l’équipe a évolué, et ce qui était une équipe de parkour, d’art du déplacement est devenue aujourd’hui une équipe qui allie le Parkour et Chase Tag. On fait les deux, l’un ne prend pas le pas sur l’autre.

Comme tu l’as évoqué précédemment, tu participes à des compétitions internationales de World Chase Tag avec ton équipe BlackList, peux-tu nous expliquer en quoi consiste cette nouvelle discipline ?

Le Chase Tag, c’est tout simplement le jeu du chat que tout le monde faisait à la récréation avec ses amis. C’est une discipline un peu ancestrale que l’on voit chez tous les animaux quand ils se courent après. C’est un peu une discipline qui revient à l’essence même de la vie et de la chaîne alimentaire, en quelque sorte. Et du coup, le World Chase Tag, c’est devenu une vraie discipline, labelisée par deux frères, Christian et Damien Devaux qui ont inventé un concept en rapport avec ce jeu en y apportant des règles et un terrain rempli d’obstacles, qui fait 12 mètres de long et de large. Les règles sont simples, il faut attraper en 20 secondes son adversaire. Si il parvient à s’échapper, il rapporte un point à son équipe.

Vous avez été champion d’Europe de World Chase Tag et avez récemment obtenu la 3ème du Championnat de France, quels sont vos objectifs à l’avenir dans cette discipline ? Comptez-vous vous installer durablement dans le monde du World Chase Tag ?

Notre objectif, c’est clairement d’être champions du monde de World Chase Tag. On s’est pas mal entourés pour notre préparation, on a Sébastien Foucan comme coach et on sait que c’est une priorité pour nous. On se concentre là-dessus, c’est vraiment notre objectif principal sur le court terme. Après, sur le long terme, on n’a pas vraiment d’objectif. Qu’est-ce qu’on fera après avoir gagné, nul ne le sait.

Quels sont tes objectifs pour les mois à venir ? Quelles sont les prochaines échéances, les prochaines compétitions à ton calendrier sur le plan personnel et collectif avec BlackList ?

Avec BlackList, on a une compétition de World Chase Tag à Anvers, qui pourrait s’apparenter à un Championnat d’Europe. Il y aura des équipes belges, françaises, il y aura aussi une équipe anglaise et c’est notre gros objectif qui arrive. Ensuite, il y a le championnat du monde qui se tiendra, normalement, en janvier, après avoir été reporté de nombreuses fois. Pour se préparer, on ira certainement à Londres pour aller voir notre coach et en Suisse où il y a aussi un terrain dédié au Chase Tag. En tout cas, on se rend dans ces compétitions avec l’objectif de gagner.

Pour le Speedrun, mon objectif principal en ce moment, c’est de m’entraîner sans relâche. C’est ça l’échéance principale en fait parce qu’il faut que l’entrainement soit constant pour rester au top. Après, il n’y a pas trop de calendrier défini pour le moment, je sais que je serai invité à la prochaine étape de la Coupe du monde, mais on ne sait pas encore où ce sera. Après il y aura les championnats du monde à Hiroshima au Japon, en février 2022. Cette année, je veux faire un maximum de compétitions pour être prêt le plus possible le jour J.

Journaliste/rédacteur depuis novembre 2020 - Lionel Messi, Kobe Bryant, Lewis Hamilton. Quel rapport entre ces trois légendes ? Aucun, hormis leur statut de légende. Mais, pour moi, ces stars ont quelque chose en commun. Ce sont mes idoles, mes exemples et les grands créateurs de ma passion pour le sport. Malgré mon cruel manque de talent pour pratiquer le sport au haut niveau, mon amour et ma passion me poussent, chaque jour, à vous partager l’actualité au travers de ce que je sais probablement faire le mieux : écrire.

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