Formule 1
Il est temps de mettre du crédit sur le nom de Lance Stroll

Personnalité clivante dans le paddock, très souvent critiqué pour ses performances et les circonstances de son arrivée en Formule 1, Lance Stroll n’a jamais eu une très grosse cote de popularité, et tout simplement très peu de crédit. Mais le fait est que malgré cela, le Canadien mérite de ne pas être cantonné à un rôle de fils à papa.
Quand Lance arrive en Formule 1 en 2017 chez Williams, une question faisait en majorité du bruit dans le paddock : « Qui est Lance Stroll ? ». La réponse a été rapidement trouvée : il s’agit du fils de Lawrence Stroll, milliardaire canadien, et nouvel actionnaire dans l’écurie de Grove. Dès lors, les critiques se sont multipliées. Vulgaire pay-driver, fils à papa, n’a pas sa place en F1, ne mérite pas d’être là, etc. Il faut dire que pour ses premiers tours de roues dans la catégorie reine, Stroll n’impressionne pas. Trois abandons successifs en Australie, en Chine et à Bahreïn, dont deux accrochages. Il faut attendre la Russie pour qu’il voit le drapeau à damier et la septième course de la saison pour qu’il termine dans les points, à domicile au Canada, avec ceux de la neuvième place.
Stroll sait aussi performer
Et pourtant, Stroll est capable de faire du bon. Bien que souvent lent en qualifications, le Belgo-canadien a prouvé à de multiples reprises qu’il était capable de réaliser des départs fulgurants. Sur l’année 2017, il est le second au nombre de places gagnées au premier tour, avec 36 dépassements sur l’ensemble des premiers tours des 20 Grands Prix, soit 1,71 place gagnée en moyenne. Seul Kevin Magnussen fait mieux avec 39 dépassements.
Mieux encore. Au moment où le paddock atterrit à Bakou pour le Grand Prix d’Azerbaïdjan, Lance Stroll a deux points au compteur, contre 20 pour Felipe Massa, son coéquipier. À l’issue de la course, il repart avec 15 points supplémentaires, ceux de la troisième place. Quinze jours après avoir marqué ses premiers points, le natif de Montréal devient le plus jeune pilote à monter sur un podium en Formule 1 depuis Max Verstappen, mais également le plus jeune rookie de l’histoire à terminer dans les trois premiers, à l’âge de 18 ans et 239 jours. À la fin de l’année, sur le bilan comptable, Stroll termine douzième au classement des pilotes avec 40 points, soit 3 de moins que Felipe Massa, plus vieux de 17 ans, et plus expérimenté de 249 courses.

Pour sa première année en F1, Lance Stroll grimpe sur le podium à Bakou – F1-Fansite
Ce qui est reproché à Lance Stroll, ce n’est pas tant sa première année qui au final, n’était pas catastrophique, loin de là. Podium à Bakou, sixième au Mexique, septième en Italie, ce sont des performances plus qu’honnêtes pour un jeune pilote qui vient de débarquer. Il y a eu des erreurs, à Bahreïn, en Malaisie, mais ce sont là des bourdes que n’importe quel rookie a fait. Sebastian Vettel a pris une pénalité au bout de 6 secondes, Verstappen a souvent terminé dans le mur, Romain Grosjean a envoyé Jenson Button dans le décor à Spa, Lewis Hamilton s’est mis dans les graviers tout seul. Bref, chaque rookie a son lot d’erreurs. 2017 s’est terminée avec une certaine forme d’indifférence envers Lance.

Sans le savoir, l’avenir de Lance Stroll en F1 était lié à Force India – XPB Images
2018, l’année des véritables critiques
La principale source de critiques envers Lance Stroll est finalement arrivée en 2018. À ce moment-là, deux équipes se distinguaient par leurs difficultés respectives. Williams, en pleine crise sportive, et Force India, en tourmente financière. La conclusion est arrivée à Spa au milieu de l’année, quand Lawrence Stroll, père de Lance, annonce le rachat des actifs de Force India (les voitures, les contrats, les infrastructures, mais pas la dénomination juridique) et donc le sauvetage par la même occasion de l’écurie complète, complètement désargentée et placée en administration peu de temps avant par Sergio Pérez.
Nul besoin d’être détective pour comprendre la suite de l’histoire. Lawrence Stroll étant devenu le propriétaire de l’écurie, il était évident que son fils allait suivre son père chez Force India, ou plutôt l’équipe qu’on connaît actuellement, Racing Point. Dès lors, les critiques n’ont cessé. On a reproché à Lance Stroll, comme à ses débuts, de ne pas mériter sa place, de prendre le baquet d’un pilote beaucoup plus talentueux (Stroll a remplacé Ocon, ndlr) et méritant, d’être un fils à papa.
2019 n’a pas aidé Lance Stroll. Confronté à un Sergio Pérez solide et qui a fait de Force India son jardin, à coups de podiums et présent depuis 2014, la comparaison a été compliquée pour Stroll. 6 entrées dans les points contre 11, 15ème au championnat, 5 places derrière Pérez, une seule Q3 contre 5 pour le Mexicain, 21 points contre 52, Lance Stroll a subi la loi d’un Sergio Pérez qui a compensé une voiture plus que moyenne par son talent naturel. Les critiques sont plus que présentes, sa place critiquée, et la présence de son père également. Père qui aurait, soi-disant acheté Force India pour faire plaisir à son fils. Alors pourquoi Lance Stroll mérite-t-il le respect des autres, et pourquoi mérite-t-il une place en F1 ?
Déjà, Lawrence Stroll n’a pas repris l’activité de Force India pour créer Racing Point et y placer son fils. Ce rachat était celui d’un passionné qui avait les moyens de se le permettre. Stroll n’a pas que racheté Force India, il a investi près de 300 millions d’euros dans Aston Martin afin d’en devenir le directeur exécutif et de ramener la marque en Formule 1. Lawrence Stroll n’a pas que racheté Force India, il a également financé la construction d’une usine neuve pour son écurie. Pour avoir des millions en F1, il faut commencer avec des milliards. Stroll a bien compris que le succès en Formule 1 nécessite de l’argent, et il n’a pas peur d’en investir. Stroll n’est pas là pour vivre une vie à travers son fils, il est là car il aime le sport auto, il aime les voitures, il aime la Formule 1.
Une saison 2020 encourageante
Pour en revenir au fils Stroll, ce qui justifie sa place à l’heure actuelle, c’est sa saison 2020. Il n’est (et est-ce qu’il le sera un jour) pas en odeur de sainteté aux yeux des fans, et pourtant, il est indéniable que Lance Stroll a progressé. Beaucoup. Troisième en Hongrie en qualifs, quatrième en course comme en Espagne, sur le podium à Monza, le pilote de 21 ans a marqué des points à chaque fois qu’il le pouvait, trahi par sa mécanique en Autriche, par ses pneus en Toscane et envoyé dans le mur par Charles Leclerc en Russie. 10 courses disputées, 9 Q3, 7 entrées dans les points, 3 top 5, un podium, les progrès sont là. Là où il lui a fallu 20 courses pour marquer 21 points en 2019, Lance Stroll n’a eu besoin que de 5 courses pour dépasser ce total cette année.

Lance Stroll termine troisième au Grand Prix d’Italie – Getty Images
Cette saison en particulier, Lance Stroll a été solide. Hormis en Styrie sous la pluie, il a toujours démarré dans le top 10, a continué à faire d’impressionnants départs comme en Hongrie, et est toujours dans les points si sa mécanique ne le trahit pas. Il a su exploiter les incidents de course pour récupérer un podium à Monza, et est plus libéré devants les médias. Le Canadien est tout simplement en confiance. L’année prochaine, il sera aux côtés de Sebastian Vettel chez Aston Martin, et pourra donc compter sur l’expérience d’un quadruple champion du monde comme voisin de box. Au moment où ces lignes sont écrites, Lance Stroll est neuvième avec 57 points, malgré une course ratée pour cause de maladie et une bonne vingtaine de points perdus à la suite de divers incidents de courses qui ne relevaient pas de sa volonté (Autriche, Toscane et Russie en tête).
Oui, sa voiture est largement supérieure à celle de l’année dernière, largement supérieure à n’importe quelle des monoplaces qu’il a eues l’occasion de piloter dans toute sa carrière, merci Mercedes, et même meilleure qu’un grand nombre de voitures cette année. Mais est-ce une raison ? A-t-on déjà vu Romain Grosjean gagner avec une Haas ? De quand datait la dernière victoire de Jenson Button quand il a pris sa retraite ? Le pilote a sa part d’importance, mais nier que la voiture aussi relève de la mauvaise foi, d’autant plus quand ce même pilote était critiqué pour ses performances avec ce qui était alors l’une des pires Williams créées.
Le manque de performance n’était qu’un prétexte
Le problème, c’est que l’on juge Lance Stroll non pour ce qu’il fait mais pour ce qu’il est. Le manque de performance n’était qu’un prétexte, et cette année le prouve bien. Malgré des performances, une bataille permanente pour être dans le top 6 et une neuvième place au championnat avec 3 abandons où il n’était pas fautif et une course ratée pour cause de maladie, Lance Stroll est critiqué. En permanence. Nico Hülkenberg rentre aux stands à cause de trop fortes vibrations à Silverstone ? C’est pour laisser passer Stroll. Sergio Pérez prend 5 secondes pour non-respect des drapeaux bleus ? C’est pour Stroll. Racing Point foire sa stratégie avec Checo à Spa ? Pareil, c’est pour avantager le fils du patron.
Lance Stroll n’est pas Lewis Hamilton. Mais Lance Stroll n’est pas Yuji Ide non plus. Oui, c’est le fils du patron. Oui, il a payé son volant. Mais dans ce cas, Niki Lauda ne méritait pas sa place chez BRM. Lance Stroll a montré cette année qu’il méritait son volant en F1. Oui, il a eu sa place grâce au piston. Mais la Formule 1 a toujours fonctionné comme ça. Max Verstappen, Mick Schumacher, Kevin Magnussen, Nico Rosberg, tous ont du talent, mais ont vu leur route pavée grâce à leur nom. Pourquoi Stroll ne ferait-il pas pareil ?

Ce pilote, c’est Niki Lauda, et lui aussi a payé sa place – Getty Images
Bâché, critiqué, et malgré cela, Lance Stroll roule encore en Formule 1. Mieux, il tient tête à son coéquipier, et encore mieux, il performe. Cette année a été celle de la réponse, et elle s’est faite sur la piste. Alors oui, en 2020, trois ans après son arrivée, il est temps de mettre du crédit sur le nom de Lance Stroll.