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Le Placard à Balais #10 : Le quidditch s’attaque à l’esport

Armand

Publié le

S’il venait à l’esprit de quelqu’un de rédiger une version étendue du Quidditch à travers les âges, cette personne expliquerait sûrement que le quidditch tel qu’on le lit dans les livres est né de l’esprit d’une auteure britannique et que le quidditch tel qu’on le pratique en tant que sport est né de l’esprit d’étudiants américains. Et elle pourrait ajouter que le quidditch tel qu’on le joue à l’écran est issu de l’esprit de Nathan Archer. L’inventeur du premier jeu vidéo de quidditch vous raconte les coulisses qui ont mené à la création de Courtyard Broomball

Note : Cette interview a été menée en mai 2018. À l’époque, le jeu entrait dans sa phase de lancement. Nathan Archer ne faisait alors pas partie de l’International Quidditch Association (association à laquelle appartient également l’auteur de cet article). 

Le décalage entre la date d’entretien et celle de publication est lié au temps nécessaire pour la traduction de l’anglais vers le français, effectuée sur le temps libre de l’auteur. 

Bonjour Nathan et merci pour le temps que tu consacres à Dicodusport. Peux-tu nous présenter le premier jeu vidéo de quidditch ?

Certainement ! Il s’appelle Courtyard Broomball. Il s’agit d’une adaptation de la série des Backyard Sports, qui s’appuie sur le quidditch tel que nous le connaissons dans la vraie vie.

Quelle est cette série de jeux, les Backyard Sports ?

La série des Backyard Sports était une série de jeux, populaire dans les années 90, avant de sombrer dans l’oubli jusqu’en 2015. Le côté simple, addictif et plein d’humour du gameplay est quelque chose qui avait séduit les générations des années 90. Mais la série n’a pas très bien vieilli et la plupart des mécanismes employés sont passés de mode.

Pour en revenir à Courtyard Broomball, quelles sont les possibilités offertes par le jeu ?

Dans le jeu, tu peux construire ton équipe parmi plus de 80 personnages. La plupart d’entre eux sont inspirés de véritables athlètes, issus des quatre coins du monde. Tu peux débuter une saison et jouer contre des équipes à niveau de difficulté croissant. Tu peux aussi jouer en ligne contre tes amis, ou des inconnus. Tu peux soit diriger le joueur toi-même, soit agir en tant que coach, en te contentant de définir la stratégie et regarder les joueurs l’appliquer. Enfin, avec les « power ups », tu peux prendre l’avantage sur ton adversaire. En plus, gagner des matchs peut te faire débloquer de nouveaux personnages.

Tu nous as parlé du jeu et nous aimerions également connaître les coulisses qui ont conduit à cet audacieux projet. Commençons par toi : qui es-tu ? Comment t’es venue l’idée de créer un jeu vidéo de quidditch ?

Je joue au quidditch depuis cinq ans. J’adore les jeux et j’ai toujours aimé interagir avec la communauté quidditch. J’adore leur sens de l’humour. J’aime particulièrement interagir avec la communauté internationale et être impliqué avec les différents athlètes et équipes partout à travers le monde. Vos lecteurs peuvent me connaître à travers ma page de memes : The Art of Beating[1].

Tout a commencé alors que je faisais un peu de code pour tromper l’ennui. J’ai montré ce que j’avais fait à quelques personnes, qui ont trouvé ça cool. J’ai alors ajouté de plus en plus d’éléments, jusqu’à aboutir au jeu que nous connaissons aujourd’hui.

La première version du jeu ressemblait à ça :

Courtyard Broomball - Version initiale - ©Courtyard Broomball

Courtyard Broomball – Version initiale – © Courtyard Broomball

Maintenant, ça ressemble à ça :

Courtyard Broomball - Version actuelle - ©Courtyard Broomball

Courtyard Broomball – Version actuelle – © Courtyard Broomball

À un moment, j’ai décidé de faire une parodie de la saga des Backyard Sports. J’adorais ces jeux quand j’étais plus jeune.

Quand as-tu commencé à travailler sur ce projet ?

Courant été 2013. Depuis, j’ai travaillé dessus par intermittence, quand je trouvais du temps entre les cours et les entraînements.

As-tu été seul à travailler dessus ?

Oui, jusqu’à récemment. Fin 2017, j’ai réalisé que je ne pouvais pas faire la partie multijoueur tout seul. J’ai donc délégué cet aspect à quelqu’un d’autre, Patrick Doudy. Iago Olivé m’a également aidé à traduire le jeu en espagnol. Ma meilleure amie, Arielle Flax a incarné le commentateur. Au total, une douzaine d’autres personnes de la communauté quidditch m’ont aidé, en filant un coup de main ici ou là, en donnant des conseils ou en testant directement le jeu.

Comment as-tu impliqué la communauté dans la création du projet ?

J’ai commencé avec une campagne de crowdfunding Indiegogo pour l’équipe de quidditch de mon école. Si quelqu’un donnait 15$, je créais son personnage dans le jeu.

Plus tard dans le développement, j’ai réuni un groupe de bêta-testeurs avec une expérience dans le véritable quidditch. Je les ai mélangés à un autre groupe qui n’en avait jamais fait, avant de leur demander à tous leur avis sur le jeu. Près de 100 personnes ont postulé pour rejoindre le premier groupe de bêta-testeurs. Ils ont fait un excellent boulot pour m’aider à améliorer le jeu.

Plus récemment, j’ai essayé d’avoir au moins un personnage de chaque pays jouant au quidditch. Des votes sur la page Facebook de Courtyard Broomball[2] ont permis de sélectionner les joueurs qui rejoindront le jeu. Et je pense que le résultat que l’on retrouve dans le jeu est représentatif de ceux que la communauté souhaitait y voir.

Constituez votre équipe ! - ©Courtyard Broomball

Constituez votre équipe ! – ©Courtyard Broomball

Quels sont les athlètes français dans le jeu ?

Pour le moment, il n’y en a que deux. Et ils sont fictifs : Pierre et Margaux Lachance. Il y a également quelques Belges qui, je crois, parlent français : Jana Meers, Ellen Van Der Haden et Nathan Wilputte. Nous avons posté dans IQA : All the Regions et Quidditch Europe[3] pour la nomination des joueurs. Nous n’avons reçu qu’une poignée de réponses pour les Français, en dessous du minimum nécessaire pour rejoindre le jeu.

Si des joueurs français veulent nommer davantage d’athlètes pour les ajouter au jeu, ils sont libres de le faire en remplissant le formulaire en fin d’article ![4]

Quel a été ton plus grand défi ?

Outre la partie multijoueur, ça a été probablement la programmation de l’IA (Intelligence Artificielle) des joueurs. Je voulais faire en sorte qu’ils agissent comme ils le feraient dans la vraie vie. Il m’a fallu beaucoup de temps pour peaufiner cet aspect. Avoir des interactions entre les différentes balles et les quatre postes des joueurs[5] est rapidement devenu un cauchemar. Ça m’a pris une éternité de rédiger le script de 3 000 lignes qui a permis de définir les comportements des joueurs.

Quelle est ta plus grande fierté ?

Ça, sans hésiter. Regarder les athlètes agir comme ils le feraient en vrai et voir le jeu prendre en charge toutes ces situations complexes sur le terrain est très gratifiant. C’est presque comme créer un être vivant, avec ses propres pensées.

Au lancement du jeu, quelles ont été les premières réactions de la communauté quidditch ?

Les retours ont été pour la plupart positifs, ce qui n’est pas forcément une bonne chose, car les retours négatifs poussent à s’améliorer alors que ceux positifs ne conduisent pas au changement.

Tout le monde a l’air de dire que l’IA est très bien. Les beta-tests pour les parties en LAN avaient donné envie aux joueurs d’essayer la version en ligne. Il y a eu quelques retours pour demander des changements de contrôles, de caméra et d’interface. Mais personne ne m’a dit ne pas avoir aimé le jeu.

Comment ont réagi les personnes extérieures à la communauté ?

Là aussi, les retours ont été globalement positifs, ce qui m’a surpris. Ils ont fait les louanges de l’IA et ont estimé que c’était assez facile de télécharger le jeu et d’y jouer. C’est un soulagement, car je craignais que la complexité du sport aurait fait fuir de nombreuses personnes extérieures à la communauté.

Je reste un peu inquiet de tous ces retours positifs. J’ai peur que quelques uns aient été déçus et n’aient pas osé me le dire par politesse, alors que je ne faisais que rechercher de l’aide de leur part. J’ai un ami, en dehors de la communauté, qui est très cynique. Il a émis cinq critiques d’importance, ce qui me donne beaucoup matière à retravailler. C’est ce qui me fait croire qu’il y a également eu beaucoup d’autres critiques que les gens n’ont pas osé me faire.

Nathan Larcher, créateur de Courtyard Broomball - ©Nathan Larcher

Nathan Archer, créateur de Courtyard Broomball – © Nathan Archer

As-tu quelques chiffres sur l’accueil qui a été fait au jeu ?

Depuis que j’ai lancé le système de votes sur la page Facebook, le nombre d’abonnés est passé de 770 à 1 100. À son lancement, le jeu a été élu premier jeu parodique sur 50gameslike.com.

125 personnes l’ont téléchargé sur Steam et 150 autres y ont eu accès grâce à un code spécial. Le jeu est toujours en accès anticipé, donc je suppose que ça va évoluer avec l’ajout de nouveaux éléments et davantage de joueurs. Plusieurs streamers ont partagé leur découverte du jeu et Alex Benepe[6] a reconnu être très impressionné la première fois qu’il l’a vu.

Tu as parlé d’un code spécial, comment as-tu noué ton partenariat avec Steam ?

Steam autorise les utilisateurs à proposer leurs jeux sur Steam Greenlight. Par la suite, les utilisateurs peuvent voter. La communauté quidditch a fourni bon nombre de ces votes, ce dont je leur suis très reconnaissant.

Selon toi, quelle est la principale caractéristique du quidditch ? Comment l’as-tu intégrée au jeu ?

En terme de culture/communauté, je pense que la principale caractéristique est la diversité et l’inclusivité de toutes les personnes impliquées. Désormais, nous avons une douzaine de pays représentés, et des personnages de toutes les cultures, tous les âges, genres et orientations sexuelles. J’ai essayé d’être le plus représentatif et diversifié possible. Les jeux, dans la série dont s’inspire Courtyard Broomball, avaient essayé de faire cela également. Mais à leur époque, cela avait débouché sur des équipes très masculines et parfois un peu stéréotypées. Certains des personnages fictifs du jeu sont des « personnages blagues », créés pour faire ressortir l’approche de la diversité qu’avaient les développeurs de la série originelle.

En terme de gameplay du sport en tant que tel, je pense que le principal élément est l’interaction entre les quatre différents postes et les trois balles. Ça ajoute de la profondeur de jeu. J’ai apporté cela au jeu en m’assurant que chacun des postes le prendrait en compte, comme le ferait n’importe quel joueur expérimenté dans la vraie vie. Les batteurs vont escorter le gardien en phase offensive pour se précipiter sur les batteurs adverses au début de l’action. Ils vont interrompre leur tentative pour récupérer un cognard si le souafle change de camp, afin de pouvoir redescendre en défense. S’ils se sentent menacés, ils vont jeter leur cognard en défense. Ils vont également décider s’il vaut mieux rester concentré sur le souafle ou sur le vif d’or. Les poursuiveurs vont faire des passes, des tirs ou renvoyer le souafle vers l’arrière s’ils se sentent en danger. Ils vont attendre le soutien des batteurs et, s’il y a beaucoup de joueurs adverses, le gardien va même attendre les batteurs afin de pouvoir sortir de sa zone plus sereinement.

Et pour la suite, quoi de prévu ?

Ajouter de plus en plus d’éléments au jeu. Il a été diffusé en accès anticipé. Cela veut dire que le jeu fonctionne normalement et qu’il y a encore de l’espace pour ajouter des choses supplémentaires. En plus d’ajouter d’autres joueurs, nous allons chercher à créer plus de « power ups », d’éléments, etc. Les joueurs sont toujours le bon public auquel s’adresser pour savoir comment améliorer le jeu et nous espérons que la communauté saura nous donner la bonne direction pour savoir où aller par la suite.

Propos recueillis par Armand Cosseron

[1] Page Facebook The Art of Beating

[2] Les votes sont toujours en cours et continueront jusqu’à ce que chaque pays soit représenté. Vous pouvez liker ou suivre la page Facebook Courtyard Broomball afin d’être informés des votes.

[3] Il s’agit de groupes Facebook qui fédèrent la communauté quidditch.

[4] Vous voulez ajouter un(e) athlète français(e) au jeu Courtyard Broomball? Remplissez ce formulaire.

[5] Pour rappel, les quatre postes sont : poursuiveurs, batteurs, gardiens et attrapeurs. Ils interagissent différemment avec trois balles : le souafle, les cognards et le vif d’or. Si vous voulez en savoir plus sur les règles du quidditch, rendez-vous sur la version française du site de la Coupe du Monde.

[6] Alex Benepe est l’un des co-fondateurs du quidditch tel que nous le connaissons aujourd’hui. Vous pouvez découvrir, en anglais, son Ted Talk sur l’émergence du quidditch.

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