Hockey sur glace
Luc Tardif : « J’ai pour but de rencontrer toutes les fédérations afin d’écouter leurs besoins »

HOCKEY SUR GLACE – Président de la Fédération Française de Hockey sur Glace depuis sa création en 2006, Luc Tardif ne briguera pas un nouveau mandat à l’échéance de celui en cours. Malgré tout, le Franco-Canadien de 68 ans est loin d’en avoir fini avec le milieu du hockey sur glace. René Fasel sur le point de quitter son poste de président à la fédération internationale, des élections ont lieu en septembre prochain pour déterminer le successeur du Suisse. Luc Tardif sera donc l’un des cinq candidats déclarés, et possède de réelles chances de l’emporter. Pour Dicodusport, l’ancien joueur de haut niveau s’est donc confié en longueur sur plusieurs sujets, et notamment ses projets, et sa vision pour l’IIHF dans ce premier volet.
Les raisons de la candidature
« C’est une candidature tardive puisque j’ai été le dernier à me présenter. Ce n’est donc pas une stratégie électorale. Je suis au cœur des opérations de l’IIHF depuis 2012 en tant que membre du comité exécutif, et trésorier. J’ai donc une certaine expérience de la gestion des affaires puisque j’ai été au cœur des discussions avec le comité olympique pour la présence des joueurs de NHL. En même temps, on a des supports financiers du comité olympique que l’on doit négocier tous les 4 ans. J’ai été élu au conseil d’administration du CNOSF, et deux fois chef de mission à Pyeongchang et à Sotchi.
Au début, je ne me voyais pas me lancer dans une campagne électorale. C’est quand même un mandat de cinq ans où l’on passe derrière un homme qui a fait 27 ans (René Fasel) et a choisi de se retirer alors qu’il avait la possibilité de poursuivre. C’est à souligner puisqu’à ces postes là, politiques, on s’accroche, et on change même parfois les règles. J’ai essayé au début de le convaincre de faire un mandat supplémentaire pour commencer à accompagner quelqu’un de nouveau. On est un peu à la croisée des chemins avec le Covid, l’échéance des JO repoussée d’un an… Malgré tout, on a réussi à renouveler le contrat marketing de 10 ans.
Je me suis dit que je peux être un élément stabilisateur pour rester dans la continuité. J’avais été sollicité afin de me présenter mais l’élément déclencheur a été le dernier congrès. On a commencé à me dire que j’étais au cœur de l’action, que j’ai été joueur de hockey… Ça ne m’avait pas convaincu jusque là mais la situation est un peu particulière puisqu’avec le Covid on a pas eu beaucoup de campagne, ou l’occasion de voyager. Le comité olympique m’a aussi poussé dans ce sens-là parce que l’objectif est d’avoir des personnes élues à des postes à responsabilités.
Tous ces paramètres combinés m’ont décidé à me lancer. Je possède l’expérience pour savoir si j’ai une réelle chance ou non. Quand on va dans une compétition, on peut gagner comme on peut perdre. Je pars avec une longueur de retard et j’en ai quand même parler avec mon épouse. Cela correspondait aussi à l’échéance de mon quatrième mandat avec la FFHG, j’estimais qu’il fallait préparer l’avenir. »
Le Président de la FFHG Luc Tardif se porte candidat à la présidence de la Fédération Internationale (IIHF). Les élections se tiendront en septembre prochain 🔜 #HockeyFrancehttps://t.co/ASWGKVF2oq
— Équipes France Hockey (@Hockey_FRA) July 2, 2021
La construction de la campagne
« La première des choses, c’est que j’ai fait la campagne avec Brigitte Henriques, la nouvelle présidente du Comité National Olympique et Sportif Français. Elle a co-construit son programme. Pendant le Covid, les sports collectifs se sont regroupés afin de faire des propositions concernant les protocoles. Au tout début de la crise en mars 2020, il faut se souvenir que l’on avait pas le droit de pratiquer. On a alors mis en place des mesures pour utiliser les équipements en respectant les conditions sanitaires, et faire des entraînements en petit groupe sans rentrer dans les vestiaires. Ça a été un peu le noyau de sa campagne couronnée de succès puisque d’autres fédérations se sont ensuite greffées.
On est en contact avec les gens quand on est dans le comité exécutif, mais on ne peut pas se rencontrer. Donc je me suis demandé comment je peux réaliser la co-construction en sachant que j’ai mon expérience, mais je voulais aller vérifier puisqu’on a plus de 80 fédérations de diverses tailles avec des attentes différentes. Le président doit donc prendre en compte les demandes, faire la synthèse de tout ça, et prendre les décisions fortes dans l’intérêt général. Même si j’ai ma vision, mes convictions, il faut savoir être à l’écoute.
Contrairement aux autres candidats qui ont un programme, je me suis servi des nouvelles technologies de communication qui ont bondi pendant la pandémie comme Zoom pour les conférences. J’ai pour but de rencontrer toutes les fédérations afin d’écouter leurs besoins, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils n’ont pas aimé, puis ensuite je teste un peu la base de mon programme avant de faire la synthèse de l’entrevue.
Je suis agréablement surpris. Quand on travaille dans des associations sportives, c’est pour se rencontrer mais on a des gens à l’autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande ou au Mexique, ce qui n’est pas évident. Mais tout le monde joue le jeu. J’en ai rencontré une bonne moitié déjà, et je vais sortir mon programme début septembre. Les élections sont le troisième week-end du même mois. Je ne veux pas me précipiter pour faire la synthèse. Pendant l’été, tout le monde est occupé ailleurs donc je vais prendre le temps pour fignoler tout ça. »
Luc Tardif 🇫🇷 candidat à la présidence #IIHF
Sont également candidats :
Henrik Bach Nielsen 🇩🇰
Petr Briza 🇨🇿
Sergei Gontcharov 🇧🇾
Franz Reindl 🇩🇪
Le nouveau président sera connu en septembre.— Nicolas Jacquet (@Nico_Jt_) July 2, 2021
Conserver l’équilibre bâti par René Fasel tout en donnant une nouvelle impulsion
« Je vais essayer de faire de mon mieux pour garder l’équilibre bâti par René Fasel. On a le haut niveau (Championnats du monde, Jeux Olympiques) qui fourni le financement à tout le reste de la pyramide, c’est-à-dire les catégories jeunes, les féminines et les différents programmes de développement. On a besoin de plus de financement pour nourrir ce haut niveau avec notamment les assurances et les pressions des ligues pour libérer leurs joueurs. En-dessous, on se développe exponentiellement avec notamment plus d’équipes qui participent aux championnats du monde.
On les aides pour les frais de déplacement, et parfois durant les périodes électorales, les petits veulent avoir plus de sous. Mais il faut avant tout garder un certain équilibre dont je vais être le garant. Avec le nouveau contrat marketing qui arrive en 2023, il va y avoir plus de moyens à partager. Mais il est indispensable de conserver une bonne répartition des ressources. C’est comme une équipe. Il peut y avoir des stars sans que cela ne marche pour autant, c’est avec un ensemble cohérent que tu fais des miracles tout en continuant à progresser. Cela ne va pas à l’encontre de l’ambition.
Il ne faut pas tout jeter au sein du dernier conseil. J’en fais partie comme les quatre autres candidats, et René Fasel a insufflé un esprit de famille. On garde en place le souvenir mais on veut également avancer. Par exemple, on croit beaucoup au hockey 3X3 comme nouvelle discipline aux Jeux Olympiques. C’est un peu frustrant puisque le hockey a six médailles pour les Olympiades, trois pour les garçons, trois pour les filles, alors qu’on est ceux qui animent la compétition du début à la fin, et mettent le plus d’argent dans l’organisation. Même avec les qualifications, nous commençons un an et demi avant l’échéance. Je me dis que l’on est en mesure d’y arriver, d’autant plus que le rugby l’a fait avec le rugby à sept, et il y a également le basket 3X3 depuis peu.
On va se servir de la communication, on appris beaucoup durant le Covid. D’habitude, les deux grands rendez-vous sont les congrès semi-annuels de l’IIHF. Là, on a fait des réunions intermédiaires en prenant en compte les décalages horaires, en faisant l’Asie le matin, l’Europe dans l’après-midi ou encore l’Amérique du Nord un peu plus tard. Entre les décisions du conseil, les nouvelles normes ou autres, il y a matière à discuter. On est sur un bel élan qu’il faut entretenir. »
Prioriser le développement durable du hockey sur les territoires « délaissés »
« C’est mon avis personnel, mais notre fédération est plus une organisatrice d’évènements que les autres. Il se trouve que l’on a un onglet développement à travailler plus en profondeur. Il y a quelques années, on avait tendance à mettre de côté les nations non traditionnelles. Le futur du hockey ne se trouve pas en Finlande où quand il y a une finale, 90 % de la population se retrouve devant la télévision. Ce sont les nations dans lesquelles il y a un gros bassin de population où il faut se diriger, mais pas de n’importe quelle manière.
Quand je parlais de développement, il y avait un rendez-vous annuel à Vierumäki en Finlande où venaient des joueurs du monde entier. Vierumäki est une sorte de Marcoussis, mais international. Ces joueurs, notamment deux néo-zélandais, avaient une organisation top, professionnelle, puis ils retournaient au pays. Il y a de quoi faire une dépression puisque tu ne peux pas appliquer ce que tu as vu, le hockey en étant à ses prémices. Je prends la Nouvelle-Zélande en exemple mais ça aurait pu être la France aussi. Donc j’ai dit que ce n’est pas ce que l’on doit faire. Ce sont nous qui allons venir chez vous.
On allait monter un projet qui a été reporté en raison du Covid, mais qui est toujours dans les cartons, les « flying coachs ». Concrètement, on va réunir les différents acteurs du hockey local qui vont être formés par un staff professionnel, envoyé par la fédération internationale. On a des pays tuteurs comme le Canada ou la Finlande. Les fédérations sont toujours partantes et on a parfois des coachs très expérimentés ou à la retraite qui sont impliqués. Il est important de parler de développement durable et non pas de rester dans l’instant.
J’ai trop vu avec mon expérience d’étoiles filantes, de gars qui décident dans leur coin de lancer le hockey pour participer aux championnats du monde, mais derrière il n’y a rien qui se construit. En Asie nous avons eu beaucoup de déceptions. Pendant plusieurs années le Japon était protégé dans le Groupe A, mais il ne s’est rien passé derrière. Puis il y a deux éditions des Jeux Olympiques qui ont été données à l’Asie, Pyongchang et Pékin.
Jusque là, je n’ai pas vu les promesses de construction de patinoire. C’est pour cela qu’il faut se concentrer sur le développement durable afin d’avoir une organisation solide, un suivi. De loin, on ne peut pas voir ce qu’il se passe alors qu’avec des coachs qui se déplacent, on sait tout de suite si quelque chose ne va pas. A l’inverse, il y en a qui se donnent beaucoup de mal, qui ne sont pas à des endroits où le hockey est reconnu, et réalisent des miracles. Il faut aider tout le monde, mais ces derniers en priorité parce qu’ils ont une méthode établie dans la durée. »
L’écologie, un élément important à prendre en compte pour l’avenir du hockey
« Le développement durable en terme d’écologie est un autre sujet avec les gaz à effet de serre ou les nouvelles normes sur le gaz réfrigérant pour les patinoires. On commence à avoir des solutions afin de prouver que l’on peut avoir des patinoires moins énergivores, et vraiment faire en sorte de construire avec un minimum d’énergie tout en utilisant des gaz non nocifs. On a commencé en France par rapport à l’ammoniaque qui est un produit naturel. Dans les pays scandinaves ou en Suisse, tout est à l’ammoniaque. En France, des normes dépassées nous empêchent de l’utiliser alors qu’on la maîtrise désormais, pas comme il y a vingt ans. Les modèles de réfrigération en Chine sont également à suivre parce qu’ils représentent possiblement l’avenir.
On se doit d’aider dans la construction des équipements puisqu’il faut des patinoires, on ne peut pas jouer dans un parking ou un champ de patates. C’est un outil technique. Dans les pays qui n’ont pas l’habitude d’en construire, on fait des concours d’architecte en privilégiant le design plutôt que la technique. Concrètement, une patinoire est un frigo, avant d’être beau, il faut surtout qu’il fasse du froid. Il faut donc leur venir en soutien afin de partager les bonnes pratiques pour que la réalisation soit faites dans les règles. »