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Tennis

Sadio Doumbia et Fabien Reboul : « On aimerait vraiment que notre paire se fasse connaître »

Tom Compayrot

Publié le

Millennium Estoril Open

INTERVIEW TENNIS – Sadio Doumbia et Fabien Reboul forment la paire de double française qui monte. À respectivement 33 et 28 ans, ils sont les n°2 et 3 français et aux portes du top 30 mondial. À l’ATP 250 d’Estoril, où ils se sont inclinés en finale, ils ont accepté de parler au micro de Dicodusport tout au long de la semaine. Afin de parler de leur histoire et de leurs objectifs.

Fabien, Sadio, comment vous analysez cette défaite en finale ?

Fabien Reboul : C’est compliqué. On n’avait pas encore joué sur le Central, on ne s’attendait pas à ces conditions. Eux [leurs adversaires Gonzalo Escobar et Aleksandr Nedovyesov] y étaient habitués, ils ont mis beaucoup de retours en jeu. On ne fait pas un mauvais set, mais ils nous ont mis sous pression avec leurs retours, on a été un peu maladroits derrière à la volée. Je trouve qu’on est quand même bien revenus dans le match en prenant leur service à notre tour, et puis on a eu une balle de set, une occasion de faire 4-2… Je pense que c’est plus de notre côté, au niveau du service et de la volée, qu’on a été un peu moins bons.

C’est pour ça qu’on s’entraîne après les matchs parce qu’on sait que ça peut varier d’un jour à l’autre, les conditions ne sont jamais les mêmes. Après, au début du second set, moi, je me suis un peu agacé, et sur un ou deux points un peu incroyables, ils s’échappent. Ensuite, ils jouent avec plus de confiance. À la fin, on peut revenir, mais on fait une maladresse à la volée qui prend la bande… Ce sont des petits détails, mais c’est ce qui fait la différence. C’est pour ça qu’on doit continuer à s’entraîner.

Vous êtes satisfaits de votre semaine malgré tout ?

Fabien Reboul : Oui, on est contents. On est allés en Amérique du Sud en début d’année pour préparer la saison de terre battue en Europe. Parce que Roland-Garros est un gros objectif pour nous. Donc, on sait qu’on peut bien jouer. Bien sûr, on est déçus de ne pas remporter le titre, mais c’est déjà bien d’être arrivés en finale avec de la constance et du travail. C’est quand même intéressant. Notre but est d’arriver un jour à maîtriser tous les domaines.

Justement, quels sont vos objectifs sur cette saison de terre battue, jusqu’aux Jeux Olympiques ?

Fabien Reboul : On va continuer à s’entraîner. Après, on va rentrer à Toulouse et attendre de voir si on peut rentrer à Monte-Carlo [Masters 1000], même si je pense que ça va être compliqué. On va surtout bien s’entraîner pour préparer Bucarest [ATP 250]. Et après, on tentera de rentrer aux Masters 1000 de Rome et Madrid, pour se donner une chance de prendre des bons résultats. Parce que pour les Jeux Olympiques, il va nous falloir des points, c’est comme ça. Mais notre objectif est surtout de construire un truc jour par jour, semaine par semaine, et voir ce que ça donne après.

C’est votre surface préférée ? Vos deux premiers titres en ATP 250 ont pourtant été sur dur…

Fabien Reboul : On adore la terre, on essaye de beaucoup jouer dessus. L’été dernier, on a quand même fait de bons résultats dessus, même si c’est vrai qu’on n’a pas réussi à aller au bout. On fait quand même deux finales d’ATP 250 en Argentine en deux ans, à Rio [ATP 500] on a quand même pas mal joué… On sait qu’on va gagner des titres sur terre, on n’est pas inquiets.





Sadio Doumbia : Je pense que c’est une surface qui nous convient bien, c’est là où on a eu le plus de résultats. On a beaucoup joué dessus en Challenger, et remporté pas mal de titres. On a quand même pas mal de confiance sur terre. Mais c’est vrai que notre premier titre est sur dur extérieur, notre première demi-finale en Masters 1000 aussi…

Que pensez-vous du système qui privilégie les joueurs de simple dans les tournois de double ? Par exemple, pour Monte-Carlo, vous êtes 30e mondiaux en double, mais vous ne pouvez pas rentrer dans le tableau parce que des joueurs de simple vous prennent la place. Vous ne trouvez pas ça injuste ?

Fabien Reboul : Je ne dirai pas que c’est injuste. Mais c’est vrai que quand tu es 35e mondial, tu aimerais jouer les plus grands tournois. Après, c’est aussi bien pour le double que des joueurs très bien classés en simple puissent participer, c’est ce qui fait connaître la discipline et qui remplit les stades. Nous, on adore jouer des grands joueurs qu’on a jamais eus l’opportunité de jouer en simple. Donc, on est contents de les jouer en double. Après voilà, il y a deux côtés. D’un côté, c’est râlant de ne pas pouvoir participer, mais de l’autre, c’est bien pour le double.

Sadio Doumbia : C’est comme ça que ça marche. On connaît le système, il fonctionne comme ça. Il n’y a pas grand-chose à dire dessus. Surtout que ça va apparemment aller de plus en plus vers ça avec les nouvelles règles. Donc, on est préparés à ça. C’est à nous d’avoir un meilleur classement pour obtenir notre place, c’est tout.

Pouvez-vous faire un point sur les Jeux Olympiques ? Où en êtes-vous, pensez-vous que vous avez une chance d’y aller ? Vous avez eu des indications de la Fédération ?

Fabien Reboul : Paul-Henri Mathieu [capitaine de l’Équipe de France aux Jeux] est venu nous voir à Miami, il a regardé notre match. Donc la Fédération est quand même derrière nous. Ils nous ont un peu expliqué l’idée de sélection, comment ça allait se passer. C’est assez complexe. Il a dit qu’on était dans la course bien sûr, mais on n’a pas plus d’infos que ça. Il y a [Édouard] Roger-Vasselin qui est très bien classé [11e mondial] et qui joue avec Nicolas Mahut. Ils sont très bons. Il y a aussi des joueurs derrière comme [Albano] Olivetti [53e mondial], donc on ne sait pas. Ça va se dessiner dans les prochains tournois. Je te dirai qu’on aura une chance si on arrive à rentrer dans les Masters 1000 et à faire péter des résultats. On doit montrer qu’on est présents sur terre battue.

Sadio Doumbia : On n’a pas trop eu d’indications… Tout ce qu’on sait, c’est qu’on doit jouer le maximum possible. Il faut qu’on joue bien sur les Masters 1000 qui arrivent. Concrètement, il en reste trois, en plus de Roland-Garros, et après on fera les comptes. Mais aujourd’hui c’est trop tôt pour se prononcer. En gros, ça se joue à peu près entre nous et Nicolas Mahut et Edouard Roger-Vasselin. Mais rien n’est sûr, ils peuvent aussi faire un joueur de simple avec un joueur de double et casser les paires. On ne sait pas si Adrian Mannarino va jouer, ni qui va vraiment jouer aux J.O… Et puis il y a un nombre de places limité, je crois qu’il y a six joueurs qui peuvent y aller en tout. S’il y a quatre joueurs de simple, ça fait qu’il ne reste que deux places pour le double… Il y a plein de scénarios possibles. Paul-Henri Mathieu nous a dit « on attend et on voit ce qu’il se passe ». On a discuté avec la Fédération, on s’entend très bien avec eux, comme avec Édouard et Nicolas. En attendant, on se concentre sur nous en essayant de faire le maximum.

En tout cas, ça serait votre rêve ?

Sadio Doumbia : Oui, on serait comme des fous. Les J.O à Paris, c’est clair que c’est un objectif de dingue. On verra. Il faudrait qu’on monte encore au classement. Le mieux, on sera classés, le plus de chances, on aura d’y aller.

Fabien Reboul : Oui c’est un rêve. Quand on s’est lancés il y a trois ans et demi pendant le COVID, on s’est donnés comme objectif Paris 2024. Mais c’était juste comme ça, ce n’était pas tout le temps dans nos têtes. Mais maintenant que c’est cette année, c’est vrai qu’on est dans la compétition pour y aller. C’est déjà très beau. On est déjà fiers de ce qu’on a fait. Après, qu’il y en ait un des deux qui y aille, ou les deux, ça serait magique. Et si ce n’est pas nous cette année, on ira à Los Angeles en 2028. Moi, j’ai encore une longue carrière en double, donc il n’y a pas de stress particulier. Ça ne serait que du positif. On adorerait remporter une médaille pour la France.

Vous aimez avoir le soutien du public quand vous jouez ? Ça vous booste ?

Fabien Reboul : On adore ça. Les gens ne connaissent pas trop le double, ce n’est pas très populaire. L’ATP est en train de faire des choses pour populariser cette discipline, mais ça reste encore peu connu. Et à chaque fois les gens qui viennent nous voir me disent « Oh mais c’est génial ! C’est différent, ça va vite, c’est stressant parce que ça peut changer à un point, il y a des vrais ascenseurs émotionnels. » Parce que quand tu regardes un simple, bien sûr ça joue très très bien au tennis, mais c’est vrai que parfois ça va dans un sens et tu te dis qu’il ne se passera rien… Nous, plus il y a du monde, plus il y a d’ambiance, plus on adore. On adore que les gens nous suivent et apprennent à nous connaître. Et puis je trouve qu’on met quand même une ambiance plutôt sympa sur le court : moi je crie, Sadio il s’encourage… Il y a quand même de la vie dans le court. J’aimerais vraiment que le double se fasse connaître, que notre paire se fasse connaître, au moins en France. Que les gens se laissent une chance de regarder un match un jour, pour voir ce qu’ils en pensent.

Est-ce que vous pouvez raconter votre histoire à deux ? Quand et pourquoi vous êtes vous lancés à 100% en double ? Car vous aviez une carrière en simple avant…

Sadio Doumbia : Oui, on jouait en simple tous les deux. Et il y a trois ans et demi de ça, on a décidé de se lancer. Fabien en avait un peu marre du simple et il avait envie de tenter un projet de double. Et puis on est montés petit à petit, étape par étape, pour arriver 30e aujourd’hui. Mais ça s’est fait naturellement en fait, on en avait marre du simple donc on s’est dit « pourquoi pas ». Et puis on avait déjà joué ensemble avant. On est amis d’enfance en fait, on se connaît depuis toujours.

Fabien Reboul : Moi, j’ai toujours beaucoup joué de doubles, même en Future [ITF], pour financer mes saisons de simple. Et puis j’avais de meilleurs résultats en double qu’en simple. J’en avais marre du simple. Je voulais créer une aventure à deux, ne plus être tout seul. Pour pouvoir vivre des trucs sympas et pouvoir les partager à deux. Sadio se plaisait bien en simple, mais il a été d’accord pour tenter l’aventure, et je pense qu’il est content aujourd’hui [sourires]… On s’est rencontrés quand on avait 7-8 ans. Après lui est parti aux États-Unis donc on s’est éloignés. Mais on s’est retrouvés un peu plus vieux quand il est rentré. On a commencé à voyager ensemble, pour jouer les simples et les doubles. Puis, on a commencé à jouer que des doubles, et à se lancer à fond.

C’est une fierté d’en être arrivés là aujourd’hui, après tout ce chemin parcouru ?

Sadio Doumbia : Oui, on est contents, très contents. Après, on a des objectifs plus élevés que là où on est aujourd’hui. Perdre une finale de 250 comme ça, ce n’est pas l’objectif, il faut qu’on fasse mieux que ça.

Fabien Reboul : Ouais, c’est beau. Quand je suis allé le chercher en double, ça a renforcé notre amitié et c’est devenu vraiment sympa. Je suis surtout content pour ça. Et puis surtout, on se régale de plus en plus. Moi c’est surtout le plaisir que je recherche, parce que je commençais à ne plus trop apprécier le tennis.

Quels sont vos objectifs finaux ? Qu’est-ce que vous avez envie d’accomplir dans le tennis ?

Sadio Doumbia : Juste prendre du plaisir. Continuer à kiffer et s’amuser, et voir où ça nous mène. C’est plus ça qui nous intéresse.

Fabien Reboul : Après, en termes de résultats, bien sûr c’est gagner des Grands Chelems, devenirs n°1 mondiaux… Mais comme je disais, c’est plus l’aventure qui nous intéresse. Sentir qu’on progresse, qu’on fait mieux qu’avant. Là par exemple, on fait finale, mais on veut faire mieux la semaine prochaine. Surtout, essayer de gagner en constance.

Journaliste/rédacteur depuis mars 2017 - Amoureux de la petite balle jaune et du gros ballon orange qui traîne sa carcasse sur Dicodusport depuis 2017. Rafael Nadal et LeBron James sont les meilleurs joueurs de l'histoire.

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