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Vie et mort de la légende Diego Maradona

Jordane Mougenot-Pelletier

Publié le

Vie et mort de la légende Diego Maradona
Razlikli / SIPA

Diego Maradona est mort hier à l’âge de 60 ans. Il a été le meilleur joueur de la planète l’espace d’une dizaine d’années. Il aura autant été un homme tourmenté et décrié qu’un joueur adulé et respecté.

Diego Maradona n’est pas mort. Le corps dans lequel il évoluait a peut-être cessé de fonctionner, mais Diego Maradona n’est pas mort. Il ne mourra pas tant que sa légende d’un joueur de génie en même temps qu’un homme tourmenté ne s’éteindra pas. Or, sa légende est éternelle.

Diego Maradona, un trésor

En octobre 1960, Diego Maradona naît dans un hôpital au nom pour lui prédestiné : Eva Peron. Car ce n’est rien de dire que le numéro 10 argentin aura été l’égal des immenses figures nationales, comme celle d’Evita. Au milieu d’une famille modeste et d’un bidonville de la région de Corrinties, il grandit, un ballon greffé au pied. Il est repéré à seulement 10 ans par un club local et amuse déjà la galerie. À 15 ans, il est déjà considéré comme un trésor quand il commence en division première avec l’Argentinos Junior. À la seule force de ses pieds, de ses yeux et de son cœur, il fait prendre à ce club, habitué à la lutte pour la survie, une ampleur inimaginable. Sans être retenu par Menotti pour la Coupe du monde 1978, il est le leader de l’équipe juniors. C’est grâce à lui que l’Argentine est championne du monde U21.

Comme on se poserait la question de savoir si une œuvre d’art devrait aller au Louvre ou à Orsay, il ne reste à Diego Maradona plus qu’un seul choix à faire : Boca ou River. C’est finalement Boca qui emporte la mise et fait tapis pour le prodige en 1981. Quitte à s’endetter plus que de raison, le club jaune et bleu de la capitale mise sur l’attrait que Maradona suscitera. Boca mise surtout sur les trophées que le Pibe de Oro ramènera dans l’armoire, et là, c’est jackpot. En point d’orgue, il y a cette finale contre l’ennemi River. 2 buts sur 3 et l’impression qu’il survole tout. Qu’il est un ange ou cyborg, en tout, quelque chose d’autre qu’un humain.

Christique

C’est finalement cette impression d’être autre chose qu’un humain ou qu’un joueur que Diego Maradona aura laissé durant toute sa carrière. En Argentine bien sûr, mais aussi à Naples et enfin pour tous ceux qui tiennent le football en haute estime. Il y aura eu bien sûr ces sept saisons à l’ombre du Vésuve. Dans une ville bouillante et amoureuse par nature, il a pris des airs christiques. Quelques 70 000 spectateurs l’accueillent quand il se présente à eux en juillet 1984. Et même si sa première saison est en demi-teinte, les Napolitains sentent que Diego Maradona est des leurs. Parce qu’il vient d’un milieu modeste. Surtout peut-être parce qu’il ne considère pas que le football est seulement du football, mais une raison à part entière de vivre ou de survivre.

Et qu’importe que son passage au Barça se soit conclu en eau de boudin par une bagarre générale de son fait. Au contraire peut-être. Peut-être que le peuple napolitain s’est reconnu dans ce joueur qui se venge de son bourreau Adoni Goikoetxa. Le Basque avait quelques mois plus tôt massacré la cheville de l’Argentin.

Après la Coupe du monde 1986, Diego Maradona change de rythme et entraîne tout Napoli derrière lui. Bien aidé par le recrutement, il porte néanmoins tout un peuple et un club sur son dos. En 1987, Naples remporte son premier doublé qui est aussi son premier titre de champion. Son aisance technique prend tous les défenseurs de court. Sa vista et son intelligence du jeu rendent chèvres les meilleurs tacticiens du monde. La Serie A est alors le meilleur championnat du monde. Diego Maradona est sans conteste le meilleur joueur du monde.

Diego Maradona avec le maillot du Napoli - Getty Images

Diego Maradona avec le maillot du Napoli – Getty Images

San Diego Maradona

Il n’avait alors pas eu besoin du Calcio pour le rappeler. Lors de la Coupe du monde 1986 au Mexique, il avait mis tout le monde d’accord. Aux côtés d’une équipe moyenne, le Christ Diego avait lâché sa croix pour porter toute la beauté du football. À 25 ans seulement, il est un patron que rien ne peut arrêter. Le temps d’un match, il se fait même le vengeur de la cause nationale. Quand l’Argentine rencontre l’Angleterre, les rancœurs de la Guerre des Malouines ne sont pas éteintes. En quarts de finale, il traverse la moitié de terrain anglais pour inscrire l’un des plus beaux buts de l’histoire. Quelques minutes avant, il avait inscrit un but de la main. L’histoire retiendra ces deux buts comme les deux faces d’un même joueur. Le génie et le roublard, le talent et l’escroquerie.

Ce que l’Argentine retiendra, c’est que Diego Maradona vaut mille soldats, mille Rafales ou mille destroyers. Diego Maradona peut tout et contre n’importe qui. L’Argentine remporte grâce à lui sa seconde Coupe du monde. Il faudra toute sa vista pour que Burruchaga inscrive en finale contre la RFA le but victorieux du 3-2. C’est Dieu qui conduit Diego, ses pieds et ses mains.

L’idole de la mafia

Avec Naples, il n’a pas dit son dernier mot et il glane encore un titre de champion, une Coupe de l’UEFA et une Supercoupe. Sanctifié, il est protégé par son Président qui balaie d’un revers de main un transfert à Marseille. Adulé par tous, la mafia napolitaine a compris tout le trésor que Maradona peut constituer pour elle. Pour lui, elle organise tout, simplifie tout. Même sa consommation de cocaïne. Pour qu’il n’arrive pas malheur au Pibe, elle lui fournit la meilleure came. Honneur suprême, la mafia le laisse convoiter les femmes des familles mafieuses. Il est l’un des leurs. Pour les Napolitains, Maradona n’est plus Argentin, il est de Naples. Il est Naples. Alors, quand il doit tirer le penalty décisif pour l’Argentine lors de la Coupe du monde 1990 contre l’Italie, le San Paoli est derrière lui et l’encourage. Mieux, il célèbre avec lui la qualification de l’Argentine aux dépends des Azzuri.

Un martyr qui n’est pas saint

Rien ni personne ne pourra hélas rien contre Diego Maradona. Contrôlé positif lors d’un contrôle anti-dopage en 1991, il quitte Naples pour Séville en 1992 et entame son déclin sportif. Il a 32 ans mais il est cassé. Les défenseurs n’ont jamais été tendres avec lui et il souffre. Grossi, consommateur maladif de cocaïne et d’autres substances interdites, la fin de carrière de Maradona n’est pas à la hauteur de l’immense joueur qu’il a été. Peut-être est-elle à la hauteur de sa figure de martyr chrétien des premières heures. Un martyr qui n’est pas un saint.

Diego Maradona restera dans le football jusqu’aux dernières heures de sa vie. Sélectionneur de l’équipe d’Argentine entre 2008 et 2010, il ne réussit pas à donner à Lionel Messi sa propre ampleur. En avait-il envie ? Entraineur de clubs émiratis, biélorusses puis mexicains, c’est finalement en Argentine qu’il occupera son dernier poste. Accueilli comme le messie par un stade en fusion, il empêche Gimnasia de descendre. Mais Diego Maradona ne va pas bien. De crises cardiaques en pontages, de cures en rechutes, sa santé est minée par ses excès. Son image aussi pâtit de fréquentations politiques et intimes troubles. Il avait été opéré ce mois-ci d’un hématome sous-dural avec succès. Il est mort aujourd’hui à 60 ans d’une crise cardiaque.

Pardon, le corps de Diego Maradona a cessé de fonctionner aujourd’hui. Diego Maradona lui est toujours vivant. On se dit peut-être ça pour se rassurer. Son football, sa générosité et sa légende vivront toujours.

JMPPMJ

Journaliste/rédacteur depuis mai 2018 - Dans mon sang coule à la fois le feu des penne à l'arrabiata et la glace du Grand Colombier. Amoureux des belles lettres et des Talking Heads, je supporte un club olympique. Intéressé par les relations qu'entretient le sport avec la société, je m'intéresse autant à Marc Cécillon qu'à Pep Guardiola, à Tonya Harding qu'à Philipp Roth. Enfant des 90's, on ne me fera pas croire qu'il y a eu plus beau à voir depuis Zinédine Zidane, Marco Pantani et Pete Sampras. La béchamel est une invention du diable, la Super Ligue aussi.

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