Athlétisme
Athlétisme : Quelles perspectives pour le record du monde du marathon femmes ?
ATHLÉTISME – Après la performance de Ruth Chepngetich, quelles perspectives pour le record du monde féminin du marathon ?
Quelques jours après le marathon de Chicago, le monde de l’athlétisme est toujours sous le choc de la performance invraisemblable de Ruth Chepngetich. La Kényane est devenue la première femme à passer sous les 2h10 au marathon, à Chicago, avec une marque à 2h09:56. Un chrono que l’on pensait encore impossible il y a 14 mois, quand le record était encore détenu par Brigid Kosgei, avec un chrono de 2h14:04. Déjà à Chicago en 2019. Plus édifiant encore, avant l’arrivée de Kosgei, le record du monde a tenu pendant 16 ans. Paula Radcliffe a détenu la marque planétaire avec ses 2h15:25. Et durant longtemps, ce record a été considéré comme un des plus durs à battre en athlétisme.
Éléments de comparaison avec d’autres distances et disciplines
La table de cotation World Athletics est évidemment imparfaite pour comparer les distances et disciplines entre elles. Néanmoins, elle offre un regard assez éloquent sur la performance réalisée ce dimanche par Ruth Chepngetich. Avec ses 2h09:56, elle marque 1339 points. Et c’est là que cela devient démentiel. World Athletics a modifié sa table en 2022. Si le barème du marathon n’a pas évolué depuis 2017, d’autres courses ont été considérablement durcies. On peut citer le 10 km route, où 1339 points correspondaient à un temps de 28:47. Désormais, c’est 28:34. Et le record du monde femmes, détenu par Agnes Jebet Ngetich, déjà impressionnant, n’est « que » de 28:46.
Si on va sur piste, les écarts entre la performance sur marathon et les records du monde sont encore plus creusés. Sur 3000 m steeple, c’est l’équivalent de 8:23.97, soit 20 secondes de mieux que l’actuel record du monde de Beatrice Chepkoech. C’est aussi 1:50.49 sur 800 m, presque trois secondes de mieux que le record très sulfureux de Jarmila Kratochvilova (1:53.28). C’est aussi 10.38 sur 100 m (record du monde 10.49) et surtout 46.77 sur 400 m, près d’une seconde de mieux que les 47.60 de Marita Koch. Et si on va dans les concours, c’est 5.21 m à la perche (record à 5.06 m par Yelana Isinbayeva). Deux records du monde « scorent » plus que le marathon. Le poids femmes (22.63 m par Natalya Lisovskaya qui vaut 1372 points) et le disque femmes (76.80 m par Gabriele Reinsch qui vaut 1382 points).
La suspicion autour de ce record
Qui dit record en athlétisme et particulièrement en demi-fond et fond dit suspicion. Et le record de Ruth Chepngetich n’échappe évidemment pas à la règle. Les réactions se sont enchaînées depuis ce dimanche. Le coureur français Abderrazak Charik (2h08:37 au marathon) n’y est pas allé de main morte en story Instagram : « Tu te fais mal à la gueule tous les jours à l’entraînement, pendant ce temps voilà ce qu’il se passe à côté », en ajoutant « F*ck Doping », accusant explicitement la Kényane. Dans une interview accordée à nos confrères de L’Équipe, Christelle Daunay rappelle que Ruth Chepngetich a été championne du monde du marathon en 2019, tout en soulignant son record personnel explosé de quatre minutes.
Tout d’abord, il convient de rappeler que cette dernière n’a jamais été contrôlée positive durant sa carrière et qu’elle n’est pas novice sur marathon, avec des premières victoires majeures en 2019. Mais le Kenya, depuis des années, est secoué par des affaires de dopage, notamment chez ses plus grands athlètes. Au mois de juin dernier, c’est le recordman du monde du 10 km route, Rhonex Kipruto, qui s’est vu écoper d’une suspension de six ans. Dès lors, les doutes subsistent, comme cela a été le cas en 2023, quand le regretté Kelvin Kiptum s’est emparé du record du monde chez les hommes, déjà à Chicago, avec ses 2h00:37.
Quelles sont les perspectives pour le record du monde du marathon ?
En passant de 2h14:18 à 2h09:56, Ruth Chepngetich a amélioré son record personnel de 4:22. En pourcentage, c’est une amélioration nette de 3.19 secondes. Si on compare à d’autres disciplines, c’est comme si le record du monde du 200 m hommes passait de 19.19 à 18.58. Comme si le record du monde de la perche passait de 6.26 m à 6.46 m. Cela permet concrètement de voir la progression dans la mesure où l’ancien record de la Kényane était tout proche du record du monde de l’époque, détenu par Brigid Kosgei (lire plus haut). C’est une avancée absolument considérable pour un record personnel, comme pour un record du monde, dans un intervalle de temps très réduit.
Jusqu’où peut évoluer ce record du monde ? Il y a encore 14 mois, une femme sous les 2h10, cela semblait totalement improbable. C’est désormais une réalité. La prochaine barrière ? Les 20 km/heure pour une femme. Soit un chrono de 2h06:35. Il y a encore plus de trois minutes à aller chercher. Cela parait être encore un gouffre. On n’oubliera pas qu’en treize mois, ce record a progressé de plus de quatre minutes. Cette barrière ne semble plus complètement infranchissable.
Progression du marathon femme au 21e siècle
30/09/01 : Naoko Takahashi 🇯🇵 2h19:46 (premier chrono sous 2h20)
7/10/01 : Catherine Ndereba 🇰🇪 2h18:47 (-59s)
13/10/02 : Paula Radcliffe 🇬🇧 2h17:25 (-1:29)
13/04/03 : Paula Radcliffe 🇬🇧 2h15:25 (-1:53)
13/10/19 : Brigid Kosgei 🇰🇪… https://t.co/vJIndLrbQt pic.twitter.com/jXzqBFfnMi— Dicodusport ⭐⭐ (@dicodusport) October 14, 2024