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Christophe Lemaitre : « Je vis pour gagner des médailles »

Julien Correia

Publié le

Athlétisme - Relais mondiaux : le programme complet
Photo Icon Sport

ATHLÉTISME – En pleine préparation pour la saison estivale et avec les JO en ligne de mire, Christophe Lemaitre s’est confié pour Dicodusport. N’éludant aucun sujet, le double médaillé olympique a encore de l’appétit et nourrit de grandes ambitions. Entretien.

Christophe, tout d’abord comment allez-vous suite à votre contracture aux ischios ressenti lors du meeting de Metz ?

Il ne s’agit pas d’une grosse blessure en soi, mais une petite lésion a tout de même été révélée lors des examens médicaux. À l’heure actuelle, je peux chausser les pointes sur 100 m à l’entraînement mais sans être à bloc bien entendu. Cela a pour conséquence malgré tout que la saison en salle soit terminée et que je vais dorénavant me préparer pour la saison estivale.

Vous faites référence à la saison estivale, en point d’orgue il y aura les JO de Tokyo, comment va donc s’articuler votre préparation pour cet événement ?

Pour le moment, aucun planning précis n’a été établi. Dans un premier temps, il faudra réussir les minimas pour ces JO. Il sera nécessaire d’être opérationnel rapidement, dès fin avril où les Championnats du monde de relais et la Coupe d’Europe par équipes seront au programme. Je vais participer à des meetings et à des étapes de la Diamond League, il faudra courir vite très tôt.



Cet hiver, vous avez effectué un stage de préparation en Afrique du Sud, qu’êtes-vous allé chercher là-bas ? Y a-t-il un brin de superstition sachant que vous aviez également préparé les JO de Rio 2016 dans ce pays ?

Non pas spécialement de superstition, mais c’est un endroit que l’on connaît bien avec l’équipe de France. On a déjà pu y faire des stages de préparation par le passé. Le cadre y est idéal pour s’entraîner avec de très bonnes conditions et notamment une piste en herbe et des infrastructures de qualité.



Malgré tout, vous avez connu un début de saison difficile lors de votre rentrée lors du meeting de Mondeville. Comment expliquez-vous cela ?

Il est certain que les chronos réalisés lors de ce meeting ont été en-deçà de mes espérances. Mais le meeting est arrivé juste une semaine après cette préparation en Afrique du Sud qui a été assez éprouvante. Là-bas, j’ai énormément tapé dans mes réserves et j’ai senti lors des derniers entraînements que j’étais dans le mal. Donc c’est clair que ce n’est pas évident. Il faut se faire une raison. La blessure va me permettre, si je peux le dire ainsi, de refaire du jus et de préparer la saison estivale. C’est à mon sens le lot de tous les athlètes de connaître des périodes plus ou moins compliquées, le tout est d’analyser pourquoi et de se remettre en question.

Revenons aux JO, pour rappel vous êtes double médaillé olympique, comment les abordez-vous ? Quel est votre objectif à Tokyo ? Le rêve d’atteindre une 3ème médaille ?

Le 1er objectif sera de parvenir à entrer en finale. Et bien entendu, s’il y a la possibilité de réitérer la performance de Rio, cela serait formidable. Pour cela, il va falloir énormément se préparer. Quoi qu’il en soit, il faudra être en forme assez tôt pour faire les minimas. Un travail quantitatif sera mis en place sans devoir se cramer afin d’être au meilleur de ma forme le jour J, car c’est là que cela comptera.

Quand on a tout gagné ou presque comme vous, n’est-il pas difficile parfois de relancer la machine et de se remettre en question lors de saisons plus compliquées ?

J’ai toujours un appétit et je vis pour gagner des médailles. Alors le fait de remettre le bleu de chauffe pour retourner à l’entraînement et espérer gagner à nouveau des titres me motive tout particulièrement. La remise en question quant à elle fait partie selon moi de l’athlète de haut niveau. Il me semble nécessaire de toujours se questionner sur le bilan d’une saison, qu’il soit positif ou négatif. Un athlète traversera forcément des périodes plus compliquées. Mis à part de s’appeler Bolt ou Felix, tout le monde connaît cela dans une carrière. Il faut donc repartir de l’avant, trouver la motivation et se poser les bonnes questions. Au final, ce qui comptera, c’est la place et pas le chrono. Moi, si je suis champion olympique en 20.50, je signe de suite. Demandez à Kim Collins aujourd’hui s’il n’est pas heureux de son titre de champion du monde en 2003. Être en forme lors des meetings, c’est certes important mais ce que l’on retient au final, ce sont les titres.

Comment un compétiteur comme vous a vécu le fait que des événements comme les JO et les championnats d’Europe soient annulés et remettent toute une préparation en cause ?

Forcément, cela n’a pas été évident. Avec la mise en place des différents confinements et des mesures sanitaires, il a été nécessaire de s’adapter. J’effectuais par exemple des séances de sprint sur route et une salle de musculation en plein air avait été conçue chez mon coach. Par la force des choses, il a fallu revoir ses plans et l’accepter car il n’y avait pas le choix.

Comme vous l’expliquez, l’important est d’être au rendez-vous le jour J. Cependant, le sprint demande des heures d’entraînement pour quelques secondes d’effort. Pourriez-vous nous décrire ce qui vous plait dans cette discipline ? N’est-elle parfois pas frustrante ?

Ce qui me plaît le plus, c’est l’impression de voler, de planer sur la piste quand mon corps répond parfaitement. C’est connu, un sprinteur passe plus de temps en l’air qu’au sol. Quand tout va bien, c’est vraiment une sensation « kiffante ». Après, c’est certain que l’athlétisme en général peut être frustrant. Des heures d’entraînement ne permettent pas forcément de gagner des secondes ou des centimètres selon la discipline exercée.

En parlant de discipline, vous avez été révélé sur 100 m, mais vous semblez désormais plus à votre aise sur 200 non ?

Au départ, j’avais une préférence pour le 100 m. Notamment par rapport à une certaine appréhension du 200 m, par rapport à l’état de fatigue que je pourrais ressentir en fin de course, je mettais énormément de temps à récupérer. Mais suite à un travail important, j’ai réussi à gérer cela et les victoires aidant, il est vrai que c’est devenu ma distance préférée.

On vous sait d’un naturel réservé, mais l’athlétisme vous a permis d’extérioriser une certaine « agressivité » comme vous le racontez dans votre livre la Revanche du grand blond. Votre notoriété grandissante, comment avez-vous gérez votre célébrité ?

C’est vrai que j’ai toujours été de nature timide et que l’athlétisme a permis que je prenne confiance en moi. Je suis désormais un peu plus ouvert. Mais depuis tout petit, j’ai toujours été compétiteur, cela a toujours été dans mon tempérament. Concernant la célébrité, je l’ai donc prise comme elle est venue, petit à petit, sans me prendre la tête avec mon image ou quoi que ce soit, j’ai continué à vivre normalement.

Est-ce qu’un athlète vous a inspiré étant plus jeune ?

Sincèrement, je ne peux pas dire que j’ai été influencé par un(e) athlète. Je ne connaissais pas du tout l’athlétisme et son histoire. J’ignorais par exemple le palmarès d’une championne comme Marie-José Pérec. C’est plutôt par rapport à la recherche d’un sport qui pouvait mettre en avant mes qualités de vitesse que je me suis orienté vers l’athlétisme. Suite à des différents tests, un potentiel a été révélé.

Et vous, pensez-vous que vous puissiez être un modèle pour des jeunes qui souhaiteraient s’inspirer de votre parcours ?

Tout d’abord aux jeunes qui souhaiteraient débuter dans l’athlétisme, je leur conseillerais de suivre leur propre chemin en choisissant une discipline en fonction de leurs affinités, et pas selon un modèle éventuel. Si un jeune athlète se destine à devenir sprinteur, je lui conseillerais de ne pas se prendre la tête avec d’éventuelles prédispositions. J’ai connu de nombreux athlètes performants très tôt mais qui, par la suite, n’ont pas confirmé et d’autres en revanche à qui on ne présageait pas d’avenir dans la discipline et qui ont percé. À force de travail et de plaisir, on peut arriver à ses fins.

Le statut de l’athlétisme comparé à certains autres sport ne pourrait-il pas cependant être un frein pour certains jeunes ?

Pour en vivre, il faut une certaine notoriété, c’est certain. Il faudrait que ce sport soit plus considéré par rapport aux gains que l’on obtient en rapport à certaines performances. Cela demande qui plus est un fort investissement. Ce n’est pas facile pour en vivre un minimum. C’est un investissement personnel qui est élevé en termes de temps et de moyens. Il est très difficile de concilier études et sport. Je comprends les jeunes qui privilégient leur carrière professionnelle à la carrière sportive, car il n’y a aucune garantie et les moyens nécessaires sont importants.

Vous êtes double médaillé olympique et mondial, 4 fois champion d’Europe entre autres, mais malgré tout un autre fait semble vous coller à la peau : celui d’être le 1er « sprinteur blanc » à être descendu sous les 10 secondes. N’est-ce pas en résumé un peu frustrant voire réducteur ?

Oui clairement, cela me colle encore à la peau et cela me suivra toute ma carrière. On en a beaucoup parlé à l’époque et encore à l’heure actuelle. Que cela soit en France ou à l’étranger, quand on me reconnaîtra, il est certain que l’on me considérera avant tout comme le premier sprinteur blanc à être descendu sous les 10 secondes au 100 m que de par mes médailles olympiques. Les titres européens et les médailles olympiques sont notamment éclipsés par ce fait. Je ne vais pas dire que c’est frustrant, mais plutôt exaspérant. Cela réduit un homme à un seul fait, alors que ma carrière est faite tout de même de nombreuses autres choses. Et malgré tout, cela sort du cadre sportif. Ce n’est pas un fait anecdotique, mais cela revêt de l’extra-sportif pour moi. Les médias ont joué un rôle important, car cela avait été repris énormément et par ricochets, c’est resté dans l’esprit des gens.

À titre personnel donc, quel est pour vous à l’heure actuelle votre plus beau souvenir de course ?

Bien entendu, je vais vous dire ma médaille de bronze sur 200 m lors des JO de Rio. Mais je vais également citer celle obtenue lors des Championnats du monde à Daegu avec un record personnel à la clé en 19.80. Mais Rio en termes d’émotions reste au-dessus.

Inversement, y a-t-il une course qui vous laisse des regrets et que vous voudriez refaire ?

Aucune course ne serait à refaire pour être honnête. Bon ou mauvais, il faut assumer et travailler pour faire mieux ensuite. Il ne faut pas s’attarder sur le passé et apprendre et repartir de l’avant.

Même si on vous souhaite encore de longues années sur les pistes, comment voyez-vous votre après-carrière ?

J’ai mis un peu de côté le génie électrique dans lequel je suis diplômé, mais je suis très intéressé par le community management. Je pourrais également rester dans le milieu du sport. Quoi qu’il en soit, je courrai toujours pour mon plaisir une fois ma carrière professionnelle terminée. À court et moyen-terme, je pense être bien occupé.

Au niveau national, qui voyez-vous prendre votre relève dans les années à venir ?

Il y a de nombreux profils intéressants. Sur 200 m par exemple, je peux évoquer Mickael Zézé ou Mouhamadou Fall qui était qualifié aux Championnats du monde de Doha. Sur 100 m, je dirais Amaury Golitin. C’est de bon augure pour les relais notamment.

D’ailleurs, on vous a quitté à Doha après un échec du relais qui a fait parler, des tensions sont-elles apparues ? Notamment avec Jimmy Vicaut dont les médias font souvent état d’une rivalité ?

Non, il n’y a pas de tension, on a discuté et on est reparti de l’avant pour le grand objectif de Tokyo. Jimmy est un adversaire mais qu’il soit Français, Anglais ou autre, c’est la même chose. Au contraire, cela permet d’avoir un relais compétitif.

Et mondialement, quels athlètes pourraient venir titiller Usain Bolt ?

Franchement, je pense que battre les records pour le moment ne me semble pas envisageable. Noah Lyes peut s’en rapprocher sur 200 m et Christian Coleman sur 100 m. Mais dans l’immédiat, les records ne seront pas battus.

Enfin, si l’on pouvait écrire un scénario de rêve pour 2021 ?

Cela serait d’être à Tokyo en finale et de retourner sur la boite olympique.

Julien Correia

 

 

Journaliste/rédacteur depuis janvier 2019 - Tombé dans le monde du ballon rond étant petit, j’aurais pu devenir pro sans ces foutus ligaments croisés. Défilant sur les champs (mais pas Elysées) en 98, j’ai été bercé par les exploits de Mister George, piqué par la technique du Snake, grandi avec Captain Rai et Ronnie, mûri avec Pauleta et Edi. Mais Ibracadabra, je suis désormais reconverti en runner/traileur. Moins rapide que Bolt et moins endurant que Jornet, c’est donc plume à la main que je partage les exploits de ces athlètes !

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