Nous suivre

Cyclisme sur route 2024

Decathlon AG2R La Mondiale, l’année de la métamorphose

Théo Gripon Auer

Publié le

Decathlon AG2R La Mondiale, l’année de la métamorphose
Photo Icon Sport

CYCLISME SUR ROUTE 2024 – Sa mutation n’est pas nouvelle. Depuis 2022 et son rachat par AG2R La Mondiale, la formation savoyarde qui appartenait jusque-là à Vincent Lavenu ne cachait pas ses ambitions de se professionnaliser et mettre un terme à une gestion familiale. Après une saison 2023 de transition, sans résultat majeur si ce n’est une victoire d’étape sur le Tour d’Italie, les nombreux succès glanés en 2024 démontrent que l’équipe française a parfaitement maîtrisé le virage qu’elle souhaitait prendre.

Une transformation en interne

L’arrivée d’un nouveau sponsor-titre a sans doute pesé dans la balance. Tandis que Citroën rompait son contrat deux ans avant son terme, insatisfait des piètres résultats obtenus, la formation située à Chambéry annonçait, en début d’année 2024, son nouveau successeur. Et pas des moindres. Decathlon, le leader de la grande distribution d’articles de sport. Un retour aux sources pour une enseigne qui, durant les années 2000, avait déjà été le co-sponsor de la formation de Vincent Lavenu, sous l’identité de leur marque de vélo grand public, B’Twin.

L’arrivée de Decathlon dans cette aventure s’accompagnait d’une nette hausse du budget, désormais supérieur à 25 millions d’euros pour cette année 2024, et d’un changement de matériel. Le manufacturier suisse BMC, partenaire de l’équipe depuis 2021, laissait sa place aux vélos Van Rysel, la marque haut de gamme de Decathlon, orientée pour la compétition.

De l’aveu des spécialistes, les machines Van Rysel, développées en association avec l’ONERA, le centre français de rechercher aérospatiale, comptent parmi les meilleurs du peloton. Avec ce partenariat, Decathlon – AG2R La Mondiale se dotait d’un vélo ultra-compétitif, restez alors à trouver les coureurs capables de briller avec.

Et pour y parvenir, la formation savoyarde assumait une nouvelle fois sa métamorphose en développant leur propre cellule de recrutement, sur demande du comité directeur de leur nouveau propriétaire, AG2R La Mondiale. Fini les méthodes artisanales, place à de mûres réflexions collégiales, portant sur la performance du coureur, son impact médiatique et son attachement aux valeurs de l’équipe, au cours de réunions où l’on parle de plus en plus anglais.



Des recrues intéressantes

Il en résulte un mercato audacieux, mélange de coureurs expérimentés tel Bruno Armirail, Sam Bennett, Dries De Bondt et Edvald Boasson Hagen, de révélations comme Victor Lafay, victorieux de la 2e étape du Tour de France 2023, et de belles promesses tel le Belge Gianluca Pollefliet. Un jeune coureur de 22 ans, brillant sur route et sur piste dans les catégories espoirs, qui appartenait jusque-là à la cellule de développement de la Lotto Dstny.



Côté départ, Mikaël Cherel, Lawrence Naesen, Michael Schär et Greg Van Avermaet prenaient leur retraite au terme d’une carrière bien remplie, tandis que Marc Sarreau filait à la Groupama-FDJ et Clément Venturini chez Arkéa B&B Hôtels. L’effectif était bouclé, trente coureurs revêtaient le maillot aux couleurs du nouveau sponsor et entamaient la 33e saison de cette équipe basée en Savoie.

Une première moitié de saison en apothéose

Vincent Lavenu a sans doute été un peu timoré sur ses ambitions. Ou alors, préférait-il ne pas les afficher. Après une année 2023 décevante au terme de laquelle son équipe terminait 18e au classement UCI, avec à peine plus de 9 000 points inscrits, l’emblématique manager alpin faisait de 2024 une année de construction. L’objectif, retrouver le top 15 des meilleures formations et glaner des succès importants. Contrat rempli, dès les premiers mois.

Ben O’Connor débloquait le compteur dès le 10 février, en s’imposant sur le Tour de Murcie devant Jan Tratnik et Tim Wellens. Le lendemain même, Pierre Gautherat offrait le premier maillot distinctif à sa formation en terminant meilleur jeune du Tour de La Provence.

Les victoires s’enchainaient ainsi durant toute la première moitié de saison. Benoît Cosnefroy brillait sur le Tour des Alpes-Maritimes et remportait la Flèche Brabançonne, le Grand Prix du Morbihan et le Tour du Finistère, Dorian Godon arrachait deux victoires d’étape sur le Tour de Romandie, le sprinteur Sam Bennett s’adjugeait quatre des six étapes des Quatre Jours de Dunkerque et Paul Lapeira totalisait déjà trois victoires avant de décrocher le titre de champion de France sur route. Un maillot tricolore que la formation de Vincent Lavenu n’avait plus connu depuis 2007, lorsqu’il était sur les épaules de Christophe Moreau. En prime, Bruno Armirail glanait le titre national en contre-la-montre, offrant à la formation Decathlon – AG2R La Mondiale un doublé qui n’avait plus été réalisé depuis 2016 (par la Groupama-FDJ, avec les succès d’Arthur Vichot sur la course en ligne et de Thibaut Pinot en contre-la-montre).

À la fin du mois de juin, l’équipe savoyarde totalisait déjà 26 succès, dont deux victoires de prestige décrochées par Valentin Paret-Peintre et Andrea Vendrame, respectivement sur les 10e et 19e étapes du Tour d’Italie. À mi-saison, Decathlon – AG2R La Mondiale pointait à la troisième place du classement UCI avec déjà plus de 10 000 points au compteur. Le bilan 2024 était déjà meilleur que celui de l’année précédente, cette formation était devenue une machine à gagner.

Seule ombre au tableau, un Tour de France raté durant lequel Paul Lapeira et ses coéquipiers furent totalement transparents. Le récent champion de France n’a pas réussi à se montrer, l’Autrichien Felix Gall terminait à la 14e place d’un Tour de France qu’il voulait achever au plus près du Top 5 et Sam Bennett n’est guère parvenu à imposer sa puissance au sprint. Preuve de ce mauvais bilan, l’équipe Decathlon – AG2R La Mondiale pointait à l’avant-dernière place du classement des gains par équipe, en ne récoltant que 18 260 €.

Vincent Lavenu déchante

Ce Tour de France 2024 au goût bien amer s’achevait de la pire des manières pour Vincent Lavenu. Quelques jours après l’arrivée finale jugée exceptionnellement à Nice, le directeur historique était informé de son licenciement.

La formation Decathlon – AG2R La Mondiale était en pleine mutation, en quête de professionnalisme pour rivaliser avec les meilleures équipes mondiales, et Vincent Lavenu en faisait directement les frais. Lui, l’homme qui avait lui-même lancé cette équipe en 1992, un an après sa retraite sportive, avait déjà été contraint de vendre sa formation à AG2R La Mondiale en 2022. L’année suivante, on lui retirait son poste de directeur général, remplacé par Dominique Serieys. Rétrogradé à un rôle de manager sportif depuis le début de la saison 2024, Vincent Lavenu était finalement remercié par le nouveau comité de direction en août dernier, qui souhaitait davantage de professionnalisme et de rigueur dans la gestion de l’équipe. En interne, on lui aurait notamment reproché de ne pas avoir informé sa nouvelle direction du cas Franck Bonnamour, suspendu par l’UCI en raison d’anomalies dans son passeport biologique. Le directeur historique était mis à la porte de son propre navire après trente-deux années de bons et loyaux services.

Ben O’Connor enchante

Ce début d’été, timide et morose, se terminait en apothéose sur les routes du Tour d’Espagne. Alors que l’on pensait Primoz Roglic intouchable, avec le maillot rouge sur les épaules dès le soir de la 4e étape, Ben O’Connor, le leader de la formation AG2R – La Mondiale, réalisait un coup magistral sur la 6e étape menant à Yunquera. Sur un parcours très accidenté, le coureur australien s’échappait en compagnie de treize hommes, à une centaine de kilomètres de l’arrivée. Ben O’Connor lâchait Gijs Leemreize, son dernier compagnon, à 27 kilomètres du terme pour s’imposer en solitaire et signer un succès de prestige, loin, très loin devant le peloton. Il faisait coup double en s’emparant du maillot rouge promis au leader du classement général, avec une marge confortable de 4 minutes et 51 secondes devant son dauphin Primoz Roglic.

S’engageait aussitôt une lutte entre les deux hommes. Étape après étape, Primoz Roglic reprenait de précieuses secondes. Ben O’Connor ne déméritait pas, s’accrochait à sa tunique rouge, mais voyait son avance fondre au fil des jours. Le Slovène portait le dernier coup à deux jours de l’arrivée, en s’imposant sur la 19e étape et en reprenant la tête du général. Malgré des sueurs froides, Primoz Roglic décrochait un quatrième sacre sur la Vuelta, pendant que Ben O’Connor savourait son premier podium en Grand Tour, à une marche du Graal absolu.

Rayonnant sur la Vuelta, le coureur australien surfa sur son excellente forme et remportait le contre-la-montre par équipes en relais mixte des championnats du monde. Quatre jours plus tard, il grimpait sur la seconde marche du podium de la course en ligne, derrière l’intouchable Tadej Pogacar. Ben O’Connor achevait sa saison de fort belle manière, tout comme sa formation Decathlon – AG2R La Mondiale qui n’obtenait mieux qu’une 27e place de Clément Berthet sur le Tour de Lombardie, dernier Monument de la saison.

Avec des derniers espoirs de victoire sur le Tour de Guangxi cette semaine, la formation Decathlon – AG2R La Mondiale clos l’une des plus belles saisons de son existence. Au bilan comptable, elle achève l’année 2024 avec un total de 32 victoires, dont huit en World Tour. D’excellents résultats la plaçant en 6e place auclassement UCI de 2024, grâce à un total de 15 596 points récoltés.

La formation semble métamorphosée, a montré qu’elle pouvait se professionnaliser et rivaliser avec les meilleures écuries du peloton. À eux de confirmer cette excellente dynamique en 2025.

Clique pour commenter

Laisser un commentaire

Vos commentaires sont pris en compte mais ne s'affichent pas actuellement suite à un souci technique.


Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *