Rugby à XIII
Le rugby à XIII, le parent pauvre de la famille de l’Ovalie (Partie 1)

Même ballon, mêmes valeurs et mêmes règles (ou presque)… Pourtant, en France, rugby à XV et rugby à XIII vivent dans deux mondes différents. Alors que le rugby à XV compte surfer sur la coupe du monde disputée en France, le XIII essaye de se faire une place et de survivre. Dans ce récit en deux volets, la première partie revient sur l’histoire des deux rugbys et évoque la difficulté du XIII à vivre dans l’ombre du XV.
Antoine Dupont et Arthur Mourgue ont pour point commun d’être demi de mêlée en équipe de France de rugby. Le premier à XV, un rugby établi et répandu. Et le second à XIII, confidentiel et exclu de la « grande famille du rugby ». Deux pratiques du ballon ovale appartenant à deux fédérations rivales : la Fédération Française de Rugby et la Fédération Française de Rugby à XIII.
Une guerre d’argent
Cette scission au sein du rugby remonte à 1895, conséquence indirecte du passage du football au professionnalisme en 1885. Alors que le rugby codifié existe depuis une cinquantaine d’années en Angleterre, le sport va se séparer en deux. La faute à… l’argent. « L’aristocratie, qui vivait dans le sud aisé, proche des pouvoirs de l’Empire, voulait, via un amateurisme imposé, interdire la pratique du sport au monde ouvrier qui commençait à s’émanciper, explique Robert Fassolette, historien du rugby à XIII. Or, les ouvriers, qui vivaient plus au Nord, souhaitaient être semi-professionnels. Ils ne voulaient pas perdre leur salaire en jouant, car à l’époque, ils travaillaient encore le samedi, mais devaient se déplacer pour les matchs de l’après-midi. Et comme les stades n’étaient pas éclairés, il fallait s’entraîner de jour, l’après-midi ». En tout, environ quatre demi-journées de travail de perdues.
Jouer au rugby représente donc un réel manque à gagner pour les ouvriers. « Les clubs du nord de l’Angleterre, au-dessus du fleuve Trent, principalement composés d’ouvriers, ont donc décidé de créer leur propre fédération », poursuit-il. À partir de 1895, deux organismes coexistent alors : la Rugby Football Union (RFU) dans le sud et la Northern Rugby Football Union au nord (NRFU). Le même rugby, mais pas le même statut pour les joueurs.
Du fait de son autonomie, et confronté au dynamisme du football, le Nord fait évoluer les règles de son rugby vers plus de spectacularisation. Des premières règles en 1906 qui tendent vers la pratique actuelle du XIII. Et un changement de nom en 1922. « La NRFU deviendra la Rugby Football League en 1922. L’Angleterre et l’Australie devaient s’affronter en France, fin 1921, pour étendre la pratique. Sauf que les dirigeants australiens trouvaient que cela était incohérent d’avoir le mot nord dans la fédération, alors qu’ils voulaient se développer vers le Sud ».
Bloquée par une très influente Fédération Française du Rugby (FFR), fondée en 1919, qui sent le danger d’exposer le XIII au public français, la rencontre n’a lieu qu’en 1933. Le XIII arrive donc dans l’Hexagone plus de 50 ans après son homologue quinziste, mais va vite se développer. « En 1930, à cause de joueurs à XV français qui touchent de l’argent, les quatre fédérations britanniques décident d’exclure la France du Tournoi des V Nations et de couper les relations avec les clubs », décrypte l’historien. Parmi les sanctionnés, Jean Galia, qui s’intéressera alors au rugby à XIII et qui organisera la première rencontre dans l’Hexagone. « Le public découvre une nouvelle façon de pratiquer. Un rugby plus alerte, où de nombreux essais sont inscrits, avec beaucoup de passes et peu de mêlées ». Un renouveau dans une pratique ovale sclérosée et en perdition.
« En faisant n’importe quoi, ça a fonctionné »
Cette guerre entre les deux formes de rugby se poursuit lors de l’Occupation (1940-1944). Sous le régime de Vichy, les dirigeants quinzistes, très en vue auprès du régime maréchaliste, font interdire la pratique du rugby à XIII par un décret. Dissolution de la ligue française de rugby à XIII – ancien nom de la fédération actuelle – et spoliation de tous ses biens. L’historien évoque une « aryanisation sportive ». Un fait unique dans l’histoire du sport. « Le rugby à XIII ne s’en est jamais remis », se désole Robert Fassolette. Devenu le « jeu à XIII » à la libération – un changement sémantique pour éviter toute réparation – avant de retrouver son nom en 1993 après huit années d’une procédure engagée et perdue par la FFR, le rugby à XIII surfera sur la vague de la pratique interdite pour atteindre l’apogée de son succès au cours des années 1950.
Jacques Merquey se souvient bien de cette période. Aujourd’hui âgé de 94 ans, il a fait partie de l’équipe de France qui a disputé la tournée triomphale de 1951 en Australie. « Quand nous sommes arrivés, nous avons assisté à un match, devant 80 000 personnes, et il était d’une violence. Nous nous sommes dit que nous allions déguster. Au début, c’était un peu laborieux, puis les entraîneurs ont compris qu’il fallait laisser la raison de côté et faire un peu n’importe quoi (rires). Et en faisant n’importe quoi, ça a fonctionné ». Bilan : vingt victoires, trois matchs nuls et quatre défaites. Et un retour à Marseille avec 100 000 personnes venues les accueillir sur la Canebière.
C’est pourtant par le rugby à XV, au club de Souillac (Lot) que Jacques Merquey a commencé le rugby, parce qu’il « n’y avait qu’un club de rugby à XV dans le village ». Le changement est survenu au moment de ses études afin de « les financer et libérer un peu mes parents. »
Mais ensuite, le rugby à XIII s’est progressivement affaibli. « La grande victoire du XV est d’avoir empêché le rugby à XIII d’être inscrit au curriculum de formation des professeurs d’EPS », enfonce l’historien. Non enseigné dans les écoles, impossible pour le rugby à XIII d’être découvert par les enfants et de les pousser à rejoindre un club. Une conséquence que l’on retrouve encore aujourd’hui.
35 fois moins de licenciés en rugby à XIII qu’en rugby à XV
D’après les derniers chiffres de l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP), la Fédération de Française de Rugby à XIII – intégrant le rugby à XIII, le rugby à IX et le rugby fauteuil à XIII – comprend à peine plus de 10 000 licenciés, un nombre qui peine à croître depuis les 20 dernières années. Un nombre bien inférieur aux presque 352 000 licenciés de la Fédération Française de Rugby comprenant le rugby à XV, à 7, à 5 et même le rugby de plage. Pour un seul licencié de la Fédération Française de Rugby à XIII, on compte 35 licenciés de la Fédération Française de Rugby.
« Le rugby à XIII vit bien, soutien Dominique Baloup, le président de la fédération à XIII, mais sans forcément se comparer au rugby à XV tous les jours. Ce serait intellectuellement irrecevable d’établir des comparaisons ». Rassembler les deux fédérations n’aurait d’ailleurs « pas de sens » selon lui : « Comment pourrait-on imaginer être un sous-groupe du rugby à XV, qui est géré par World Rugby au niveau mondial, et en même temps par l’International Rugby League ? » Il croit tout de même que des passerelles sont possibles entre les deux pratiques, notamment en ce qui concerne la pratique éducative : « Dans les écoles primaires, le rugby à XV reprend le jeu, après chaque interruption, par une forme de tenu (ndlr : le moyen de reprendre le jeu après un plaquage). Il y a donc une identification possible ». Encore faut-il que l’enfant sache qu’il s’agit d’une règle spécifique du rugby à XIII.
Les 10 000 licenciés sont répartis dans 112 clubs de la France hexagonale – quinze fois moins que les 1 752 clubs de rugby à XV – dont la moitié sont localisés en Occitanie, terre de l’ovalie.
C’est dans cette région que se trouve le meilleur club français : les Dragons Catalans. Le club basé à Perpignan a perdu, cette saison, la finale de la Super League (10-2 face à Wigan), le championnat rassemblant les clubs britanniques et français. « Malheureusement, les Dragons n’ont aucun impact sur le développement du rugby à XIII au niveau national », regrette Gaël Tallec, ancien international de rugby à XIII. Unique club français du championnat européen depuis 2006, les Dragons Catalans font figure d’exception. À la création de la compétition en 1996, le Paris Saint-Germain Rugby League, fondé trois mois auparavant, pour apporter ce côté européen à la ligue, y a participé, avant de disparaître en 1997. Depuis, seul le Toulouse Olympique, également en Occitanie, avait réussi à l’intégrer en 2022, avant de redescendre en Championship, l’échelon inférieur.
Le président de la Ligue Occitanie de rugby à XIII est plutôt comblé. En plus des Dragons Catalans et du Toulouse Olympique, « nous avons le champion de France, Limoux, et le vainqueur de la Coupe de France, Carcassonne », se réjouit Louis Bonnery.
Par son poste, il se préoccupe prioritairement de sa région, mais participe également au développement national. « La mission de développement national est portée par la fédération qui organise les compétitions. Mais elle trouve, en Occitanie, les meilleures conditions pour organiser les matchs et un public. On essaye aussi d’aller jouer dans d’autres villes comme Avignon ou Bordeaux, mais à un moment donné, le système est rattrapé par les réalités économiques ». Dans sa région, très peu de jeunes quittent le XIII pour le XV : « La seule différence vient du nombre de départs. Le rugby à XV bénéficiant d’une notoriété supérieure, il attire plus ». Louis Bonnery n’est pas inquiet par l’effervescence de la Coupe du monde à XV : « Le 6 octobre dernier, les Dragons ont reçu St Helens à Gilbert-Brutus en demi-finales de Super League. Le match était en confrontation directe avec le France-Italie à la télévision, mais c’était la première fois qu’il y avait autant de monde dans le stade. Il était à guichets fermés. Même si certains sont aussi adeptes de l’un ou de l’autre des pratiques, chacun à son public spécifique, et il reste fidèle ».
TESTA
16 novembre 2023 à 11h18
L’article commence mal…le ballon est bien le même , la règle de l’en avant aussi, et c’est a peu près tout …les deux sports sont totalement différents puisque le 15 est basé sur la conquête et le 13 uniquement sur attaque /défense avec rendu systématique du ballon à l’adversaire après six tenus .