Natation
Sacha Velly : « Maintenant, il faut que je sois bon en séniors ! »
NATATION EN EAU LIBRE FRANÇAISE – De nouveau sacré champion d’Europe et du monde juniors cet été, en individuel et par équipes, Sacha Velly revient sur ses superbes performances sans oublier d’évoquer son futur, les Jeux Olympiques et son bien connu entraîneur.
Bonjour Sacha, et félicitations, c’était un sacré été …
Un sacré été, je ne sais pas, je l’ai bien préparé donc je n’ai pas vraiment eu d’été. Mais on va dire que c’est une bonne chose de faite !
Comment réussir à se préparer pour ces deux compétitions qui étaient espacées de deux mois ?
On a préparé les Championnats d’Europe, mais pas si bien que ça. J’étais un peu juste sur certaines choses, notamment au niveau de mon poids, de ma forme, de mon volume d’entraînement. Par contre, pour les Championnats du monde, on a vraiment fait une grosse préparation. On est partis en altitude pendant trois semaines, et on n’a pensé qu’à la performance à fond.
C’était vraiment l’objectif de la saison, ne pas faire deuxième ou troisième, rester premier chez les juniors. Il y avait beaucoup d’attentes, beaucoup de pression parce que j’avais déjà gagné deux fois chez les juniors. Je suis arrivé avec un statut d’ultra-favori, beaucoup pensaient que j’allais gagner facilement, donc même si je faisais deuxième, c’était une contre-performance.
Justement, comment juguler cette pression ?
Personnellement, j’ai déjà vécu la pression de grandes courses, des Championnats du monde ou d’Europe avec les plus grands. J’ai nagé avec Paltrinieri, Wellbrock, donc quand je regarde mes concurrents en juniors, je me dis « bon, il faut faire attention à lui ou lui », mais ce n’est pas la même chose que d’être aux Championnats du monde avec 10 mecs qui jouent la gagne.
Aux Championnats d’Europe, j’étais moins bien préparé, mais je savais que j’avais une plus grosse expérience. Aux Championnats du monde, par contre, j’étais très bien préparé donc je n’avais pas trop de pression. C’est surtout un peu avant la compétition que je me suis dit « bon, il faut vraiment que je gagne ».
Tu as fait médaille de bronze sur le 3 km knockout sprint, qui est une nouvelle épreuve. Que penses-tu de ce format ?
Je pense que c’est bien pour le grand public. Ça permet de ne regarder qu’une demi-heure de sport au lieu de deux heures, par exemple. Mais je pense que ça aurait besoin d’être un peu peaufiné. Par exemple, il faudrait un endroit pour faire intervenir les kinés et les entraîneurs, il n’y a qu’une personne par nageur qui peut venir pendant la compétition, c’est un peu moyen.
Et puis je ne fonctionnerai pas exactement comme ça pour le format. Je garderai 1500 m – 1000 m – 500 m, mais avec des points à la fin de chaque distance. Un barème de points en fonction de la place sur chaque distance, et à la fin, c’est celui qui a le plus de points qui gagne, pas celui qui gagne le 500, mais le plus régulier sur les trois distances. J’ai gagné le 1500 et le 1000, mais c’était principalement pour choisir ma place sur le 500, comme le premier peut faire, pour être à la corde. Les autres se sont cachés et je me suis fait taper au final. Mais c’est quand même un bon format pour le grand public, je pense que ça donnera de l’importance à la discipline.
Tu as également gagné dans les deux compétitions sur le relais 4×1500. Tu penses que Clémence Coccordano (championne d’Europe juniors du 10 km, NDLR) et toi avez réussi à tirer l’équipe vers le haut ?
Sur les relais, on peut placer qui on veut dans l’ordre qu’on veut, mais ça se joue toujours sur le dernier s’il n’est pas trop loin quand il prend le départ. Tout le monde a fait de l’excellent travail, tout le monde a bien nagé, notamment Émile (Vincent, NDLR). Alors pour lui et Valentine Leclercq, peut-être que ça leur rajoute un peu de motivation de se dire « il est champion du monde, elle est championne d’Europe, il faut qu’on assure ».
D’autant que c’était leur seule chance de ne pas repartir bredouille…
Oui, et même si en France, on est souvent performants en relais, je ne crois pas que cela ait déjà été fait de gagner les Europe et les Mondiaux la même année. Et puis ça fait un esprit d’équipe, ça rapporte des médailles pour les coachs, on termine en apothéose, c’est très bien.
Il existe une belle densité en France. C’est ce qui t’as empêché d’aller aux Jeux Olympiques (Sacha Velly a fait troisième Français de l’épreuve de qualification en décembre, NDLR) ?
Oui et non, parce que lors de l’épreuve de qualification, j’étais dans la roue de Wellbrock, qui avait été champion olympique, on va dire « facilement » à Tokyo, qui a marqué le demi-fond ces dernières années, pendant une heure 40. Mais on n’avait pas prévu que lui, le plus fort, fasse la plus grosse contre-performance. Il a explosé, et j’ai explosé aussi, et tout le monde m’est revenu dessus. Si on refait le scénario, j’aurais pu me battre à la touche avec Logan (Fontaine) et Marco (Marc-Antoine Olivier). Ils sont très forts, et ils ont une expérience que je n’ai pas. Mais c’est sûr que s’ils ne sont pas là, j’y vais.
Mais tu restes sans regrets sur ta stratégie ce jour-là ?
Non, pas de regrets. Tout le monde sait que j’aime nager devant, et ça marque la concurrence de voir que je nage devant, avec eux. En fait, je suis un peu au-dessus en juniors, mais en début de tableau en séniors. Il faut que je passe ce cap-là, pour rentrer dans les cinq à chaque fois. Je suis un peu entre deux eaux, c’est ça qui me fait performer en juniors.
Mais j’aurais pu y aller, puisque j’étais présent à Doha pour les Mondiaux en février, et jusqu’à 48 heures de la course, je pensais jouer ma qualification olympique (Marc-Antoine Olivier avait été suspendu pour trois « no show » mais blanchi avant les Mondiaux, NDLR). On ne va pas rentrer dans les détails, je ne sais pas ce qu’il s’est passé exactement, mais c’est bizarre. En gros, les trois « no show » n’étaient pas la même année, et c’est comme ça que c’est passé.
Marco a fait réclamation, c’est normal, c’est un compétiteur, il avait envie de faire les JO. Et Marco, c’est un mec propre, il travaille. Mais dans les règles du contrôle antidopage, quand on loupe trois contrôles, qu’on soit propre ou qu’on soit sale, on est suspendu. Moi, ce qui m’a fait « chier », c’est que je savais que je n’étais pas qualifié, je savais que je n’allais pas y aller. Mais quand je reviens des vacances de Noël et qu’on me dit « dans trois semaines, il faut que tu aies un niveau international pour te qualifier aux Jeux parce qu’il y a peut-être moyen que tu ailles aux Jeux », je me suis motivé. Mais quand ensuite, on m’a dit « tu ne feras pas la course », ça m’a mis un peu les nerfs. Et encore plus quand on voit le résultat aux Jeux. Mais bon, il ne faut pas vivre dans le passé non plus.
Du coup, tu es déjà tourné vers Los Angeles…
Oui, parce que je pense que j’aurai vraiment mes chances si je me qualifie. Mais il faut le prouver, tout le monde n’y croit pas malgré le palmarès en juniors. Mais il en faut des gens qui n’y croient pas, ça motive. Après, on verra ça dans 4 ans.
C’est terminé pour les compétitions juniors ?
Oui, c’était ma dernière compétition juniors, ma « carrière » chez les juniors est terminée. Je pense qu’elle est réussie (rires), maintenant, il faut que je sois bon en séniors !
Du coup, cette saison est terminée pour toi ?
J’aurais pu concourir en Coupe d’Europe, mais on a pris la décision de ne pas les faire. Il faut savoir s’arrêter. Mentalement, je suis quelqu’un qui peut faire une grosse préparation, mais une fois l’échéance passée, il faut que je m’arrête. J’aime la natation, sinon je n’en ferai pas et je ne me donnerai pas la peine de m’entraîner, mais je sais qu’il ne faut pas que je sois dans l’excès de la chose.
Là, je pense reprendre l’entraînement en octobre, et dans les plans de Philippe (Lucas), je pourrais reprendre la compétition aux Championnats de France en petit bassin (du 31 octobre au 3 novembre, NDLR), mais je ne sais pas si je serai performant.
Le but est d’aller aux Mondiaux en petit bassin ?
Oui, en tout cas, j’ai peut-être une chance sur 1500 mètres. Mais on est nombreux. Est-ce que David (Aubry) sera prêt, est-ce que Damien (Joly) sera prêt ? Je ne sais pas, j’ai cru comprendre que Logan voulait faire plus de bassin cette année, mais je ne sais pas non plus. Je ne sais pas qui a envie, qui sera prêt, mais si je m’entraîne correctement, je ne serai pas loin du chrono. Après ça dépendra de la place, il n’y aura que deux sélectionnés.
Quoi qu’il en soit, ce sera sur 1500, sur 800 j’ai perdu un peu de vitesse. J’ai fait des 25 ou des 50 sur des gros blocs de préparation, mais c’était une préparation 10 km. Mais bon, le groupe dans lequel je m’entraîne avec Philippe, on a de très bons nageurs, dont l’ancien champion olympique du 400 Ahmed Hasnaoui. Donc ça devrait aller.
Tu dis que tu as perdu en vitesse, c’est ce qui t’as coûté l’or sur le 3km knockout sprint ?
Peut-être, ou alors, je ne me suis pas assez économisé avant (rires). Moi, je n’aime pas être dans le paquet au départ, des fois, je n’ai pas le choix, mais j’aime bien, quand c’est ouvert devant, aller me placer et ensuite me poser. J’ai de la vitesse, j’ai déjà couru en 3:49 sur 400 mètres, mais quand on court avec d’autres qui font 3:44 ou 3:43, ce n’est pas le même sport.
C’est Philippe Lucas qui a détecté ton potentiel pour la longue distance ?
J’ai eu un parcours classique. Je me suis entraîné dans ma ville, à Laon, trois ou quatre fois par semaine. À 13 ans, je nage le 400 en 4:12 en grand bassin. L’année suivante, on m’a conseillé de partir si je voulais un jour faire quelque chose en natation. Francis Lignot, mon entraîneur, connaissait Stéphane Lecat (DTN de l’eau libre française, NDLR), et j’ai pu aller passer des tests à l’INSEP.
Philippe, lui, a quand même une grosse main sur le demi-fond en France. Mais il ne m’avait jamais vu nager, ou en compétition. On lui a envoyé une photo de moi en maillot de bain, et il a dit « lui, je veux absolument qu’il soit à l’INSEP », je ne sais pas pourquoi. Et je crois qu’il avait gueulé pour que je rentre à l’INSEP, parce qu’ils ne voulaient pas me prendre à la base.
Du coup j’ai fait un an à l’INSEP avec Xavier Idoux, six mois au final à cause du Covid, puis j’ai fait un stage de reprise avec Philippe, dans son groupe avec Marco, David, Sharon (van Rouwendaal, championne olympique à Paris, NDLR). Il y a une part de réussite, une part de chance, une part de travail. Quand je suis arrivé chez Philippe, pour le premier entraînement, j’avais un peu peur de lui, mais maintenant, je sais que je peux l’appeler à n’importe quelle heure !