Tennis
Titouan Droguet : « Le Top 100 est dans un coin de ma tête »
ATP CHALLENGER 2023 – Il fait partie des révélations françaises du dernier US Open, et de la saison en général. Aujourd’hui 164ème mondial à 22 ans, Titouan Droguet est en train de s’installer comme un membre important de la relève du tennis tricolore. Présent à l’Open Blot Rennes, il s’est confié auprès de Dicodusport sur ses récents exploits, son évolution ainsi que la suite pour lui.
Titouan, première question : Comment ça va ? Dans quel état de forme et de confiance tu es arrivé ici à Rennes ?
J’ai bien récupéré physiquement, j’ai pris un peu de repos et je me suis bien entraîné. Il y a quand même eu 10 jours après mon dernier match, donc j’étais bien physiquement et dans ma tête, en confiance par rapport à mes résultats. Je suis un peu déçu de mon match d’aujourd’hui [défaite au 2ème tour contre Lucas Pouille], mais je sais que c’est des styles de jeu qui me dérangent beaucoup, avec des joueurs qui ne me laissent pas le temps de jouer avec mon coup droit, de manœuvrer les échanges. Je n’ai pas trouvé mon rythme, un peu comme le match contre Mensik à l’US Open où je suis pris de vitesse. Au final ça me frustre énormément parce que j’ai l’impression de mal jouer et de ne pas arriver à embêter le mec. Donc voilà, je vais repartir à l’entraînement.
Est-ce dur pour toi de redescendre sur le circuit Challenger après avoir vécu une parenthèse enchantée à l’US Open ?
Pour moi ça reste un plaisir. Surtout dans les tournois comme à Rennes où il y a du monde, où c’est super bien organisé et confortable pour les joueurs. Donc non, ça n’a pas fait une différence énorme, mais c’est sûr que ce sont des matchs avec moins d’enjeu, donc ça fait redescendre la pression. Mais de toute façon, il faut repartir par là. Avec mon classement, je vais être obligé de jouer plein de Challengers encore pour essayer de monter rapidement dans les 100.
Pour parler de cet US Open, est-ce que tu envisageais ce genre de scénario en arrivant là-bas [2ème tour après être sorti des qualifications] ? Tu avais des ambitions, même si tu n’avais pas beaucoup joué sur dur, que tu n’avais pas de repère dans ce type de tournois ?
C’est sûr qu’avant de te coucher, tu te fais des scénarios où tu te qualifies, tu bats un mec top 20… Mais est-ce que j’y croyais vraiment, non pas forcément. J’ai pris les matchs les uns après les autres. Déjà mon premier match en qualifications, c’était ma première victoire contre un top 100 [contre Cristian Garin, n°90]. J’étais déjà très content de ce match-là. J’étais un peu surpris de mon niveau de jeu sur dur, vu que je n’y avais pas joué de la saison. Ça m’a réellement fait du bien de me prouver que je pouvais aussi jouer sur dur, et que ma saison ne se résumera pas à jouer sur terre battue tout le temps. C’est bien parce que plus tard, tu es obligé de suivre le calendrier, et de jouer sur terre et sur dur. Donc, je me dis que je pourrai être performant sur les deux surfaces maintenant.
Comme tu l’as dit, tu joues et bats tes deux premiers top 100 là-bas. Est-ce que tu as vraiment senti une différence de niveau par rapport aux joueurs que tu affrontes en Challenger ?
Non, pas forcément. Contre Garin c’était un peu spécial, parce que les deux premiers jeux, il me met huit coups gagnants, donc je me dis qu’ils sont injouables. Mais en fait ça ne dure pas. Donc non, il n’y a pas de différence énorme, c’est juste qu’ils vont être beaucoup plus réguliers sur la saison. Forcément, ils ont des coups qui font plus mal que les joueurs moins bien classés, mais sur un match, tu ne vois pas forcément la différence.
Cette victoire contre Lorenzo Musetti, n°18 mondial, tu peux nous en parler ? Comment tu as géré tes émotions, et aussi ton physique vu que c’était un long match ?
C’est clair. Le match était incroyable. Je démarre bien, mais j’avais un peu peur de ne pas tenir physiquement, donc j’ai essayé de m’économiser un peu. Mais c’est l’erreur, je pense. Je prends 6-0 dans le deuxième, parce que forcément quand je ne suis pas à 100%, c’est compliqué de marquer un jeu contre des joueurs comme ça. Après, je me remets, je perds 7-6 le troisième, ça fait un peu mal. Mais après, je me suis prouvé que j’avais des ressources physiques. Les fins de match où tu as des crampes, c’est lié au stress. Moi, je suis capable de tenir cinq sets, on le voit à l’entraînement, je peux tenir 6 ou 7h sans avoir de crampes. Alors que des fois dans des matchs en deux sets gagnants, je me retrouve à cramper en fin de troisième. Donc c’est là que tu vois que c’est vraiment le stress, quand la tension des fins de match arrive. Physiquement, on est tous capables de tenir cinq sets.
Cette saison est la meilleure de ta carrière, tu fais trois finales en Challengers et cet US Open. Pourquoi tu penses que tout ça arrive cette année, et pas avant ?
Depuis mon changement de structure [il a rejoint la French Touch Academy, il y a deux ans], beaucoup de choses ont évolué en moi. Pas forcément dans mon jeu, mais dans ma personnalité, ma manière de travailler. J’ai réellement changé, je me sens beaucoup plus professionnel, plus entouré et complètement tourné vers le tennis. Je pense que ça a beaucoup joué. L’année dernière, j’ai dû repasser par les Futures. C’était long de monter au classement, mais je sentais que je progressais bien. Et puis cette année, tout s’est mis en place à partir de juin alors qu’avant, c’était compliqué.
Tu fais finale à Cherbourg en février quand même…
Ouais, c’est vrai, mais je fais finale puis six défaites au premier tour, je crois. C’est sûr que c’est bien de prendre 50 points comme ça, mais après, c’était compliqué d’enchaîner les voyages et les défaites. Mentalement, c’était super dur. Mais depuis cet été, ça se passe super bien.
Donc, tu penses que ce n’est pas cette première finale en carrière à Cherbourg qui t’a lancé ? Sachant qu’elle sortait un peu de nulle part, vu que tu avais très peu joué sur dur intérieur avant, que tu avais eu une galère en Turquie juste avant…
Oui, il y avait eu des séismes en Turquie, donc le tournoi où je devais jouer avait été annulé. En fait, à Cherbourg, je me suis prouvé que je pouvais battre des bons joueurs, que je pouvais aller loin dans des Challengers. Mais après, j’ai eu deux mois sans victoire derrière. Donc ce n’était pas forcément un déclic. Repartir sur des Futures après, c’est ce qui m’a vraiment fait du bien. De pouvoir enchaîner les victoires, d’engranger de la confiance.
Tu penses que le top 100 est un objectif réalisable pour toi ?
J’espère, en tout cas, c’est dans un coin de ma tête. Essayer d’être dans le tableau principal à l’Open d’Australie serait vraiment bien. Mais si je n’y suis pas, ça ne sera pas une fin en soi. Je serai aussi content de jouer mes premières qualifications là-bas. Je ne me mets pas forcément de pression, mais oui, le top 100 est dans un coin de ma tête.
Ce que font Arthur Fils et Luca Van Assche, cela t’inspire ?
C’est clair, je les ai vus me dépasser. Il y a encore 2 ou 3 ans, ils étaient derrière moi au classement. Luca, je l’ai joué deux fois, et j’avais gagné assez facilement. Je les ai vus évoluer à une vitesse incroyable, ils sont super jeunes. C’est clair que ça donne envie, mais je suis surtout super content pour eux, ce sont des super mecs. Ça fait du bien au tennis français d’avoir des jeunes qui donnent un peu d’espoir.
Tu en penses quoi justement de cette jeune génération française au global ? Il y a plein de jeunes nés dans les années 2000 qui arrivent, de toi jusqu’à Gabriel Debru par exemple.
On a eu un petit trou après les 4 Mousquetaires, mais je ne trouve pas ça vraiment inquiétant. On a plein de jeunes qui jouent super bien, maintenant le niveau est tellement relevé. Il y a pas mal de jeunes qui sont prometteurs, je ne me fais pas de souci. Moi, je suis un peu plus vieux, un peu moins bien classé. Mais c’est vrai qu’on a une belle génération, je trouve, avec [Gabriel] Debru, les 2004, Arthur [Cazaux], Harold [Mayot] ou même Terence [Atmane] qui monte super bien. Je pense qu’il va y avoir énormément de Français qui vont bien jouer plus tard.