Cyclisme sur route 2024
Édito : Faut-il croire en Tadej Pogacar ?
Alors que Tadej Pogacar a de nouveau atomisé la concurrence et fait le show à Zurich ce dimanche, les doutes des suiveurs ont immédiatement resurgi comme un seul homme. Sont-ils légitimes face à une telle domination ?
« C’est évident que Tadej Pogacar est au-dessus de moi ». Vous ne rêvez pas, cette citation provient bien d’Eddy Merckx, plus grand cycliste de l’Histoire. Et pour cause, on n’avait pas connu telle supériorité dans le cyclisme depuis le Cannibale, soit il y a environ 50 ans. Au-delà même de tout rafler, le Slovène ajoute toujours la manière et bouleverse les codes, réalisant des performances physiques d’un autre temps.
🤟🤟 @TamauPogi 🤟🤟
Men Elite UCI World Champion 🌈#Zurich2024 pic.twitter.com/zFNtfQHWYd
— UCI (@UCI_cycling) September 29, 2024
Une saison 2024 stratosphérique et spectaculaire
Factuellement, le bilan du coureur d’UAE Team Emirates parait presque irréel. Vingt-deux victoires en 2024, mieux que tous les sprinteurs. Surtout, il a réalisé ce que beaucoup pensaient désormais impossible : un doublé Giro-Tour, une première depuis 1998 et Marco Pantani. En y ajoutant le titre mondial ce dimanche à Zurich, il devient le troisième coureur de l’Histoire à remplir la Triple Couronne après Merckx en 1974 et Stephen Roche en 1987. Tadej Pogacar a gagné quasiment partout où il s’est aligné : Strade Bianche, Liège-Bastogne-Liège, Montréal ou encore Tour de Catalogne.
Si le bilan comptable du Slovène est impressionnant, dorénavant 86 victoires, ce n’est pourtant sans doute pas ce qui marque les esprits de ses pairs et des passionnés. Non, le show Pogacar se résume en un mot : spectaculaire. En effet, il ajoute toujours la manière à chacune de ses victoires et bouleverse les codes du cyclisme actuel. Il aime ça, le Tadej, attaquer et prendre des risques. Et il semblerait que son niveau physique lui permette les mouvements les plus insensés et extravagants. Comme en témoigne bien entendu le numéro de dimanche à Zurich, avec une attaque portée à plus de 100 km de l’arrivée. « Il ne savait pas que c’était impossible, alors, il l’a fait ». Cet éternel débat entre la raison et la passion n’anime pas Tadej Pogacar : il vit son sport à fond et pour s’amuser, avec zéro calcul.
Pogacar révolutionne tout et pose question
Car il est sans doute bien là le principal problème : cette apparente facilité du Slovène à faire ce qu’il veut, où il veut et quand il veut. Ses chevauchées d’une autre époque suscitent les pires interrogations, parfois sans fondement. En outre, certains arguments ne plaident pas en sa faveur comme son manque de résultats probants chez les Espoirs et son arrivée telle une fusée chez les professionnels en 2019 et bien entendu son équipe UAE Team Emirates.
En effet, l’équipe possède un staff sulfureux, Mauro Gianetti en tête, et semble transformer toutes ses jeunes en pépites. Jan Christen et Isaac Del Toro sont déjà largement opérationnels, et on peut citer également Pablo Torres, encore dans la réserve, qui a crevé l’écran sur le Tour de l’Avenir, sans réelle référence auparavant. La kyrielle de talents provenant de Slovénie (Mohoric et Roglic pour ne citer qu’eux) a aussi alimenté pas mal de fantasmes parmi les suiveurs.
Et si Tadej Pogacar ne trichait pas ?
Néanmoins, ce faisceau d’indices ne fait pas de Tadej Pogacar un coupable tout désigné. On aurait plutôt l’impression qu’il sert de coupable idéal, dans un sport où toute domination parait suspecte, la faute à un passé sulfureux. Des tricheurs avérés (Armstrong, Pantani, Valverde) aux coureurs douteux comme Chris Froome, les tâches d’ombre sont malheureusement légion. Le déferlement de soupçons, voire d’accusations, notamment sur les réseaux sociaux, provient du manque de confiance envers les coureurs dominants, voire écrasant leur discipline. Pourtant, il n’est pas interdit de lâcher un peu de lest et d’y croire. Se laisser bercer par un brin de naïveté et profiter de la beauté de la performance, sans arrière-pensée. Après tout, pourquoi Pogacar ne serait-il pas simplement le meilleur de sa génération, à l’instar des Bolt, Duplantis, Phelps ou autres Biles ?
Alors, chacun se fera son idée sur la trajectoire hors norme du Slovène. Mais il n’est pas interdit d’admirer l’exploit sportif et le panache de l’athlète, tout en gardant un œil critique et un soupçon de méfiance. Mais restons positifs et aimons notre sport comme il le mérite, et surtout laissons une chance à Tadej Pogacar de croire en lui. Il n’a certainement pas à payer les égarements de ses aïeux et nous nous devons de le considérer comme simplement supérieur à ses rivaux.